L’essentiel de l’actualité de l’immigration au Québec
#29
Au mois de mai, on parle du français : entrée en vigueur des dernières dispositions de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, en particulier pour les entreprises et les commerces, parution du rapport annuel du commissaire à la langue française, publication d’un Référentiel québécois de profils de compétences en français de métiers et professions, mise en ligne d’une nouvelle ressource de francisation pour les niveaux débutants…
Et, alors que le gouvernement fédéral se recompose et s’organise, en laissant au passage glisser les délais de traitement de certaines demandes d’immigration, on adopte, au Québec, le Projet de loi 84, désormais connu comme la Loi sur l’intégration à la nation québécoise et on réajuste les plafonds du nombre d’étudiants étrangers que pourront accueillir les universités — et surtout les cégeps — jusqu’au 26 février 2026.
De son côté, la société civile s’active pour porter la réflexion autour de la place et du rôle de l’immigration au pays, depuis la figure immigrante elle-même (OPLJM) jusqu’au projet de société que nous souhaitons bâtir collectivement, à plus long terme (The Conference Board of Canada et Century Initiative).
Car l’été finira bien par arriver — et l’immigration par dégeler.
Direction
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Coordination éditoriale
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Rédaction
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Basile Moratille
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Édité par
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(Québec) Canada
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Le 8 mai 2025, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) a publié son bilan démographique de la province. La population québécoise a ainsi augmenté de 155 300 personnes. Un total réalisé grâce à une augmentation de la population immigrante, notamment internationale.
En effet, le Québec compte 158 600 personnes immigrantes supplémentaires, et a perdu 1 900 personnes pour d’autres provinces canadiennes. 156 700 personnes se sont ajoutées à la population québécoise, un chiffre en baisse depuis le record de 2023 : 193 000.
Parmi la population immigrante internationale, ce sont surtout des résidents temporaires qui font augmenter le solde migratoire, avec 103 700 personnes supplémentaires contre 59 500 immigrants permanents en plus.
Le Québec comptait au 1er janvier 2025 9,11 millions de personnes.
Sans l’immigration, le Québec a perdu 1 400 personnes en faisant le total des décès et des naissances sur l’année. Le taux de fécondité atteint un creux historique en 2024.
Commandé par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’intégration, un rapport remis le 14 mai 2025 établit la nécessité de « stabiliser la situation » de l’immigration, et propose des recommandations à la lumière des enjeux actuels.
Son auteur, Pierre-Carl Michaud, professeur titulaire au Département d’économie appliquée de HEC Montréal et titulaire de la Chaire Jacques-Parizeau, explique notamment que réduire de 200 000 personnes le nombre de résidents temporaires au Québec d’ici trois ans, comme le réclame le gouvernement, est « irréaliste ». En cause, le fait qu’une grande partie des admissions relève du fédéral, mais aussi que Québec n’a pas freiné l’émission de CAQ pour études ou de travail (dans le cadre du PTET).
L’économiste recommande de réduire l’effectif de résidents temporaires en augmentant les cibles d’immigration permanente. Cela permettrait de faire passer la proportion de résidents temporaires à 5 % de la population comparativement à 7 % actuellement.
Selon les données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) mises à jour le 20 mai 2025, les délais de traitement pour une demande initiale ou de renouvellement d’un permis de travail depuis le Canada s’élèvent désormais à 238 jours, soit environ 8 mois.
Les demandes émises depuis l’étranger sont soumises à des délais, qu’il est possible de vérifier en quelques clics sur le calculateur d’IRCC.
Selon l’avocate en immigration Natacha Mignon, ce ralentissement dans le traitement des demandes est dû à la fin du « tour du poteau » en décembre dernier. En effet, l’impossibilité d’obtenir un permis à la frontière a fait augmenter le nombre de demandes à traiter.
Elle regrette que cette situation ne fasse qu’augmenter le nombre et la durée des statuts conservés (anciennement « implicites »), qui empêchent les personnes concernées de quitter le territoire tant que leur demande n’a pas été traitée, au risque de plus pouvoir rentrer au Canada.
Comme chaque année, le guide Immigrer au Québec a été lancé durant le Salon de l’immigration et de l’intégration les 14 et 15 mai 2025.
Cette année plus que d’autres, le guide a mis à jour toutes les modifications qui ont été réalisées par Québec et Ottawa. On peut par exemple citer le gel partiel des principales voies d’immigration, le resserrement des conditions de renouvellement d’un statut et de rattachement de la famille accompagnante ou encore l’instauration de plafonds pour les étudiants étrangers, tant au provincial qu’au fédéral.
Le guide permet ainsi de s’y retrouver dans tous ces changements, mais aussi de comprendre pas à pas toutes les étapes de l’immigration et de l’intégration. Sont ainsi abordés une présentation historique, socioéconomique et culturelle du Québec, les différents moyens pour venir étudier, travailler ou entreprendre, les procédures d’immigration temporaire et permanente, les différentes régions, etc.
Le Salon de l’immigration et de l’intégration au Québec a clôturé son édition du printemps le 15 mai 2025.
Au total, ce sont plus de 10 000 visiteurs ont arpenté les allées du Palais des congrès de Montréal pour rencontrer des professionnels venus de toutes les régions du Québec et profiter des nombreuses activités à leur disposition : révision de CV, amélioration de sa page LinkedIn, réalisation d’un portrait professionnel et bien sûr participation aux conférences et ateliers participatifs, très populaires.
Également, et pour la première fois, le salon a accueilli les demandeurs d’ailes dans un espace dédié, en collaboration avec le Centre d’appui aux communautés immigrantes (CACI).
Le prochain rendez-vous est donné les 29 et 30 octobre 2025, toujours au Palais des congrès de Montréal.
Le Projet de loi 84, désormais appelé Loi sur l’intégration à la nation québécoise, a été adopté le 28 mai 2025 en commission parlementaire, par 86 voix contre 27.
Les revendications identitaires particulières ne sont tolérées que dans la mesure où elles s’inscrivent dans le respect des valeurs nationales et des normes communes.
Mais attention, interculturalisme ne signifie pas assimilation.
Présentée par Jean-François Roberge, au titre cette fois de ministre de la Langue française, cette loi vise à asseoir les principes de réciprocité et d’interculturalisme au cœur du contrat social québécois, et comme pilier fondateur de l’intégration à la nation québécoise.
Le gouvernement va à présent élaborer une Politique nationale, bâtie autour de la langue et de la culture commune. Celle-ci apportera des précisions sur l’application de la loi au quotidien par les différents acteurs concernés, ainsi que sur les conséquences à prévoir sur les personnes immigrantes elles-mêmes.
La loi modifie la Charte des droits et libertés de la personne.
En vertu de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, entrée en vigueur en juin 2022, les entreprises de 25 à 49 salariés doivent désormais se soumettre à de nouvelles obligations en matière de francisation.
Depuis le 1er juin 2025, elles doivent ainsi s’inscrire à l’Office québécois de la langue française (OQLF). Cela concerne les entreprises qui emploient de 25 à 49 personnes pendant une période d’au moins 6 mois. Celles-ci doivent s’inscrire au plus tard six mois après la fin de cette période.
Elles recevront ainsi un certificat d’inscription. Par la suite, dans les trois mois suivant la réception du certificat d’inscription, il leur faudra réaliser une évaluation interne pour déterminer l’utilisation du français au sein de l’entreprise. Si l’office constate que l’usage du français n’est pas suffisamment généralisé, l’entreprise devra mettre en place un programme de francisation.
Une ressource en ligne et gratuite d’autoapprentissage du français a fait son apparition, offerte par Francisation Québec.
Les deux modules de contenus, de niveaux 1 et 2 de l’Échelle québécoise des niveaux de compétence en français, sont présentés comme étant complémentaires aux cours de français dispensés en classe ou en entreprise.
Ils permettent aux apprenants de s’exercer en autonomie et de façon ludique.
Quel niveau de français doit avoir une personne immigrante pour faire exercer un métier donné ?
Québec vient de publier un nouvel outil qui répertorie les compétences en français associés à plus de 140 professions au Québec.
Ce Référentiel québécois de profils de compétences en français de métiers et professions vise aussi à analyser les compétences requises pour plus de 400 autres professions.
L’outil a commencé à être réalisé en 2019 avec une équipe de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal après avoir été missionné par le MIFI et le ministère de la Langue française. Il a été réalisé à l’aide de l’Échelle québécoise des niveaux de compétence en français.
À noter que les données sont seulement une indication des compétences associées à un métier donné, mais ne sont pas des exigences officielles.
Le 23 mai 2025, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) a annoncé l’entrée en vigueur, dès le 5 juin 2025, de nouvelles règles visant certains conducteurs immigrants.
Désormais, la personne :
Ne pourra plus conduire avec son permis d’origine.
À la place, elle se verra délivrer un permis d’apprenti conducteur, qui lui permettra de conduire un véhicule de classe 5, mais avec des limitations. Elle devra notamment être accompagnée par une personne titulaire d’un permis, lui aussi de classe 5, depuis au moins deux ans.
Pour rappel, les nouveaux arrivants au Québec peuvent, en principe, conduire un véhicule de classe 5 pendant six mois avec leur permis national. Passée cette période et en l’absence de permis international, la personne doit demander un permis de conduire québécois.
D’autres modifications concernent les motocyclettes à trois roues (classe 6E), ainsi que les tracteurs routiers (classe 3).
Le 15 mai, l’Observatoire pour la justice migrante (OPLJM) a lancé sa nouvelle publication sur « la déconstruction de la figure de l’immigrant(e)) dangereux (se) pour mieux combattre sa criminalisation ».
Une série de trois articles ainsi qu’une capsule de vulgarisation ont été publiées. L’Observatoire avait organisé une soirée de lancement avec un panel de discussions pour l’événement.
Articles et capsules analysent les failles procédurales de la détention administrative et les conséquences de cette pratique sur les droits des personnes migrantes. Ils montrent comment une figure du migrant dangereux est construite dans certains médias et par certains politiques pour légitimer ou banaliser sa criminalisation. En effet, si une criminalisation des personnes migrantes est en cours aux États-Unis, elle a aussi lieu au Canada, où se trouve aussi un système de détention.
En mai 2025, le commissaire à la langue française a rendu son rapport annuel sur l’évolution du français.
Il y fait sa deuxième évaluation de Francisation Québec et de ses services, notamment en milieu de travail. Le taux d’absentéisme ou d’abandon a atteint 23 % en mars 2025, ce qui fait que les travailleurs sont en moyenne trois par groupe.
Constat : la francisation en milieu de travail « n’offre pas à la majorité des participants une voie réaliste pour s’intégrer en français dans leur milieu de travail ». Le commissaire regrette la faible intensité des formations (et leur format), ainsi que le fait que les apprenants ne peuvent réinvestir ce qu’ils apprennent, s’intégrer en entreprise et surtout s’établir durablement dans la société.
Les formations en milieu de travail représentent 4,3 % du budget de Francisation Québec.
Le commissaire demande que les nouveaux arrivants aient une « connaissance au moins intermédiaire du français avant leur entrée sur le marché du travail ».
En 2024, il y avait 133 000 postes vacants au Québec, un nombre qui se rapproche de celui du 2019, qui était de 130 800. C’est ce qu’a révélé le bilan du marché du travail de 2024 publié par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), le 30 avril 2025.
L’ISQ montre aussi que c’est la deuxième année consécutive que le nombre de postes baisse, après le pic de 2022 (233 500 postes vacants).
Les postes vacants ne sont pas nécessairement des postes à bas salaires ou peu qualifiés, car leur salaire horaire moyen à la fin de l’année 2024 était de 27,90 $ CAN. Ces emplois sont principalement issus des secteurs du commerce du détail, de la fabrication, de l’hébergement et de la restauration, mais aussi des soins de santé et de l’assistance sociale.
371 étudiants étrangers supplémentaires seront admis à l’automne 2025, selon un décret publié dans la Gazette officielle du Québec le 21 mai.
Québec décide ainsi de rehausser le plafond d’étudiants étrangers qui avait été établi en février 2025. Ces plafonds devaient être réévalués lors de la Planification pluriannuelle de l’immigration 2026-2029, initialement prévue à l’automne 2025.
Suivant un certain nombre d’incohérences, le décret a ajusté le nombre de places qu’un établissement peut octroyer aux étudiants étrangers. Dans le détail, ce sont surtout les places au collégial qui ont le plus augmenté avec 387 places supplémentaires au total.
À l’inverse, au niveau universitaire, 26 places ont été retirées, pour un total de 63 273 places disponibles.
Les 14 et 15 mai 2025, la Cour suprême du Canada a entendu le droit des familles en demande d’asile à accéder aux services de garde subventionnés. Une décision sera rendue dans quelques mois.
Le think tank Conference Board du Canada a publié en janvier 2025 un podcast sur la croissance et l’immigration.
L’économiste en chef du Conference Board of Canada, Pedro Antunes, et Lisa Lalande, présidente-directrice générale de Century Initiative, explorent comment le Canada peut concilier une forte croissance démographique et une qualité de vie pour sa population.
De leur point de vue, l’augmentation rapide du nombre d’immigrants au Canada après les perturbations liées à la pandémie, de même que les réductions aussi drastiques que subites de l’immigration cette dernière année ne profitent pas au pays – et n’ont que peu d’impact sur l’augmentation du coût de la vie, en particulier celui du logement.
M. Antunes et Mme Lalande pointent au contraire le manque généralisé de planification sur le long terme, et alertent sur les conséquences, largement sous-estimées selon eux, d’une décroissance démographique sur l’économie du Canada.
« À quel point l’augmentation rapide de la population au pays passe d’une source de prospérité à un facteur d’érosion de la qualité de vie pour ceux qui y vivent déjà ? »
Le 13 mai 2025, le premier ministre canadien Mark Carney a fait l’annonce de son nouveau Conseil des ministres.
Rappelant le mandat du Parti libéral pour les prochaines années, le premier ministre a expliqué vouloir « établir une nouvelle relation économique et de sécurité avec les États-Unis, bâtir une économie plus forte, réduire le coût de la vie et assurer la sécurité de nos communautés ».
Au ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, c’est Lena Metlege Diab qui succède à Rachel Bendayan. Avocate de formation, elle a aussi été à la tête de plusieurs ministères en Nouvelle-Écosse, notamment de l’Immigration entre 2013 et 2021.
Les postes vacants ne sont pas nécessairement des postes à bas salaires ou peu qualifiés, car leur salaire horaire moyen à la fin de l’année 2024 était de 27,90 $ CAN. Ces emplois sont principalement issus des secteurs du commerce du détail, de la fabrication, de l’hébergement et de la restauration, mais aussi des soins de santé et de l’assistance sociale.
La Semaine de la citoyenneté, qui s’est déroulée du 26 mai au 1er juin 2025, a été l’occasion pour la nouvelle ministre des Immigrants, des Réfugiés et des Citoyens de rappeler les valeurs communes des Canadiens, cette mosaïque d’horizons et de cultures « qui porte, en son centre, les histoires des peuples autochtones ».
Mme Metlege Diab, elle-même fille d’immigrants libanais, a également souligné le courage des femmes et des hommes qui choisissent les incertitudes inhérentes à l’enracinement dans un pays qui n’est, au départ, pas le sien.
Enfin, elle a rappelé le devoir de tous les Canadiens de « protéger la dignité et les droits » des personnes immigrantes qui évoluent sur le chemin de l’unité dans la diversité.
Les mesures de gel des principales voies d’immigration permanente, de même que les positions affichées par le gouvernement fédéral de stabiliser les admissions à moins de 1 % de la population canadienne poussent certains candidats à revoir leur stratégie.
Dans un article publié en mai, Radio-Canada montre comment l’apprentissage du français est devenu une stratégie pour de nombreux candidats à l’immigration. Et, cela, peu importe la province, puisque cela relève du niveau fédéral.
On rappelle qu’Entrée express fonctionne par un système de points octroyés en fonction de l’âge, du niveau de scolarité, de la maîtrise de la langue, du français ou de l’expérience de travail au Canada. Or, depuis 2023, le programme favorise largement les candidats à la résidence permanente parlant français, en leur octroyant jusqu’à 50 points. À titre de comparaison, avoir un frère ou une sœur vivant au Canada ne rapporte que 15 points.
Et pour cause : le gouvernement Carney s’est engagé à atteindre une cible de 12 % d’immigrants francophones à l’extérieur du Québec d’ici 2029.