L’observatoire des inégalités fait état d’une surqualification des nouveaux arrivants qui oscille entre 50 % et 60 %, particulièrement en défaveur des femmes. Si ce pourcentage diminue autour de 40 % après dix ans, il n’en reste pas moins problématique. Pour que les personnes immigrantes et les entreprises puissent être en synergie et mettre à profit compétences et accueil de façon réciproque, il est important d’identifier les obstacles qui entravent l’intégration professionnelle.
L’expérience québécoise
L’un des freins les plus connus à l’embauche des personnes immigrantes est la fameuse expérience québécoise, que de nombreuses entreprises érigent encore en prérequis à l’embauche. Du côté des nouveaux arrivants, certains n’osent pas postuler à un emploi qui pourtant pourrait leur correspondre, faute de répondre à ces critères d’expérience québécoise. Les programmes de stages en entreprise pour les nouveaux arrivants peuvent être un excellent moyen pour favoriser leur intégration au marché du travail et leur offrir cette première expérience de travail. Les stages ont démontré leur efficacité, en réduisant les risques et en améliorant l’ouverture à l’autre au sein des milieux de travail.
Les codes culturels
La façon de travailler, les codes sociaux, les repères, la langue et l’incertitude face à l’inconnu sont autant de facteurs qui pourraient expliquer la réticence de certains employeurs face à des personnes fraîchement arrivées en sol québécois. Même s’ils se sont informés, les nouveaux arrivants ne sont pas forcément au fait de toutes les particularités d’un environnement de travail québécois. Parfois, des détails aussi incongrus que la ponctualité ou l’assiduité peuvent donner lieu à des malentendus. Les employeurs peuvent faire une importante différence en s’impliquant activement dans l’accueil et l’intégration des personnes immigrantes. Pour préparer le terrain, elle peut s’allier avec des organismes communautaires qui sont disposés à les accompagner en ce sens.
Une reconnaissance des compétences
Le parcours pour faire reconnaître une formation ou des compétences acquises à l’étranger est parfois long et coûteux (par exemple : perte de revenu, frais de formation, etc.). Lisette Richard, coordinatrice d’aide à l’emploi pour Solidarité ethnique régionale Yamaska (SERY), à Granby, explique les difficultés rencontrées : « Les nouveaux arrivants ne savent pas tous qu’il y a des démarches à faire dans ce sens, ou que certaines professions sont régies par des ordres. Et même s’ils le savent, certains arrivent au Québec sans leurs documents officiels, car ils se sont échappés de pays en guerre, d’autres ont le statut de réfugiés, quand on ne pense tout simplement pas à prendre de vieux diplômes et relevés de notes avec soi, par exemple. Retracer un parcours peut être compliqué quand les gens ont travaillé dans des entreprises locales ou artisanales, ou qui n’existent même plus ».
L’obstacle de la langue
La connaissance du français est essentielle au Québec. Afin de faciliter le recrutement de main-d’œuvre à l’international ainsi que l’intégration et la communication une fois sur place, certains employeurs choisissent des personnes issues de la même communauté, en s’appuyant sur des personnes déjà présentes pour faire office de traducteurs lorsque nécessaire. Bien que ceci puisse être rassurant pour ces personnes, elles pourraient ne plus éprouver le besoin de s’investir dans leur francisation. Rappelons que pour les travailleurs, il peut être difficile de travailler de jour et d’assister à des cours de francisation le soir, alors qu’ils ont souvent également des obligations familiales. C’est ainsi que les employeurs peuvent jouer un rôle de facilitateur pour la francisation. À titre d’exemple, ils pourraient, lorsque cela est possible, offrir des mesures d’accommodement et de flexibilité au niveau de l’horaire de travail pour permettre à leurs travailleurs d’assister aux cours de francisation ou bien même, lorsqu’ils ont plusieurs travailleurs immigrés au sein de l’organisation, tenir des cours sur les lieux de travail.
Le transport
Surtout en banlieue et en région, les réseaux de transports en commun ne sont pas tous très développés ou du moins, sont encore inadaptés à tous les horaires de travail. Pour peu qu’elles aient à déposer les enfants à la garderie, puis aller travailler, cela peut devenir très vite décourageant pour des personnes immigrantes qui n’ont pas toutes un véhicule à disposition. Comment alors prétendre à un emploi, par exemple, dans la ville voisine ? Dans certaines municipalités, des services de Taxibus sont offerts et viennent bonifier les réseaux traditionnels d’autobus, mais ils sont parfois encore méconnus. Du côté des employeurs, des initiatives de covoiturage ou des mesures d’accommodement au niveau de l’horaire de travail peuvent être mises en œuvre pour faciliter le transport des travailleurs,surtout lorsque le réseau de transport en commun fait défaut. Afin de réduire les obstacles vécus ou perçus en lien avec le transport, qui peuvent nuire à l’attractivité et à la rétention, l’employeur pourrait, auprès des candidats lors du processus d’embauche ou auprès de sa main-d’œuvre déjà en poste, questionner sur ces enjeux, les informer des possibilités existantes ou voir ce qu’il peut lui-même mettre en place.
L’intégration familiale et sociale
Puisque les nouveaux arrivants peuvent vivre de nombreuses contraintes en lien avec les points énoncés précédemment, il est de mise de faire preuve de compréhension, de bienveillance et de flexibilité pour réduire les freins à l’accès au milieu du travail. Heureusement, de plus en plus, les entreprises offrent des mesures de conciliation travail-vie personnelle. Ces pratiques « doivent continuer à gagner du terrain afin de faciliter l’intégration professionnelle des nouveaux arrivants et leur rétention », affirme Lisette Richard. Afin de faciliter leur intégration familiale et sociale, une personne-ressource peut être désignée dans l’organisation pour les épauler en ce sens ou les référer vers des organismes qui ont l’expertise et les ressources pour ce faire. Plusieurs organisations ont fait preuve de grande créativité et proactivité afin d’accompagner les personnes immigrantes dans leur intégration. « Parfois, cela demande un petit peu de patience et d’investissement social pour fidéliser les employés, mais si vous le faites bien vous aurez des gens reconnaissants qui resteront dans votre entreprise ».
Conclusion
Les employeurs sont de plus en plus ouverts à la main-d’œuvre étrangère, autant pour les bénéfices d’affaires et les occasions d’apprentissage et d’innovation qui en découlent que par devoir social. Ces derniers sont souvent portés par d’excellentes volontés, mais n’ont pas toutes les connaissances ou les ressources pour épauler adéquatement les travailleurs étrangers. Quant aux nouveaux arrivants, ils doivent parfois surmonter plusieurs obstacles afin d’accéder au marché du travail. De nombreux organismes communautaires et d’employabilité, comme celui de Mme Richard, peuvent accompagner les employeurs comme les nouveaux arrivants. Ces organismes détiennent une expertise et une connaissance des enjeux dont on ne bénéficie pas assez collectivement.
Les employeurs peuvent également faire appel à des professionnels en ressources humaines agréés (les CRHA | CRIA) qui sont, notamment, les initiateurs et les facilitateurs des initiatives en gestion de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (GÉDI) au sein ou auprès des organisations. Ces derniers peuvent accompagner les organisations afin de réduire les freins à l’embauche des travailleurs immigrants et à mettre en place de saines pratiques d’intégration, gage de succès.