
Être femme et immigrante dans un secteur d’activité comme la construction, qui reste un des grands bastions masculins, cela multiplie les défis. Le réseau des Elles de la construction, fondé en 2013, intervient justement comme un lieu de rassemblement pour les femmes qui œuvrent dans le secteur. Voilà 2 ans qu’existe une cohorte pour les femmes immigrantes. Celles-ci y trouvent un espace de réseautage, des ateliers d’accompagnement en recherche d’emploi, de co-développement et de placement en emploi, ainsi qu’un service de mentorat pour les soutenir dans leur avancement de carrière.
« Notre travail ne s’arrête pas à la signature du contrat de travail de l’employée étrangère », indique Virginie Gaquière, responsable du programme diversité et inclusion de l’organisme. « Nous suivons nos membres en nous assurant qu’elles répondent bien aux codes culturels de la société d’adoption, qu’il s’agisse de codes de communication ou de codes professionnels comme maîtriser le vocabulaire québécois de la construction, connaître le système impérial tout comme le système métrique. Cela a un effet positif auprès des travailleuses comme des employeurs, car on veut aussi garder l’intérêt des entreprises pour l’immigration ! ».
Dans ce réseau, les entreprises ne sont pas oubliées. C’est ainsi que l’organisme a développé le coaching RH en entreprise : avec un casque oculus, on projette aux gestionnaires en ressources humaines une simulation d’entrevue pendant 3 minutes lors de laquelle sont partagées les pensées d’une jeune femme issue de l’immigration et celles de la DRH. L’impact fort de la simulation permet d’appréhender comment les questions d’une DRH peuvent être accueillies, ce que ça peut susciter d’interrogation ou de stress pour le travailleur étranger. Une prise de conscience qui permet de réfléchir pour aborder de meilleures pratiques.
TÉMOIGNAGE :
Sabrina Blain, Chargée de l’embauche et de l’encadrement du personnel, Coffrage Synergy Formwork En 2019, Sabrina a bénéficié du programme coaching des Elles de la construction. « Le coaching apporte des réflexions, aide à voir que nous ne sommes pas seuls à avoir des questionnements, mais permet aussi de mesurer tout le chemin déjà parcouru. Nous avons à peu près une vingtaine d’immigrants de plusieurs nationalités sur nos chantiers. Ça a été une adaptation, et on ne cache pas que les premières années ont été difficiles, mais maintenant nos équipes ne s’arrêtent plus aux noms différents ou à la nationalité, ils savent combien la notion de respect et d’équipe est importante. Nous avons encadré l’accueil de chaque personne embauchée, qu’elle soit travailleuse étrangère ou locale. Chacune passe par nos bureaux, nous lui expliquons ce que sont nos valeurs, ce qui est important pour nous, nous lui attribuons un mentor pour lui présenter le chantier, où se trouve la roulotte, où on va dîner, où se trouvent les toilettes… Et on fait un suivi pour savoir comment s’est passée la première journée, idem quelques jours plus tard et encore deux semaines après. » |
D’une durée d’un an, il se répartit entre audit et ateliers. « La plupart des RH en construction sont formées pour la santé des travailleurs, leur sécurité au travail. Là, on va leur parler d’attraction, de rétention de main-d’œuvre, de croyances limitatives, de qualité de dialogue… Le chemin est grand à parcourir, mais notre objectif est de donner à l’employeur une nouvelle corde à son arc pour que l’immigration soit moins compliquée », souligne Mériane Bergeron, directrice générale des Elles de la construction. Le dialogue est la clé de voûte d’une culture d’entreprise plurielle.