De nombreux défis attendent les nouveaux arrivants et, tout particulièrement, les femmes immigrantes qui souhaitent lancer une entreprise. Au cours des dernières années, les investissements et les initiatives innovantes pour supporter les entrepreneurs issus de l’immigration se sont multipliés. À l’image de Femmessor, certaines organisations s’impliquent pour que les entreprises d’ici soient à l’image de la société québécoise : plurielle.
Le chemin qui mène de l’immigration au succès professionnel n’est pas toujours évident. Elle-même issue de l’immigration, Sylvie Gasana en sait quelque chose. Arrivée au Québec en 1997 pour ses études, elle se considère privilégiée d’avoir pu y poursuivre son parcours académique : « ç’a facilité mon intégration professionnelle », conclut-elle sans hésiter. Aujourd’hui détentrice d’un MBA, la directrice régionale chez Femmessor Laval souhaite aider celles qui n’ont pas eu cette chance.
Active dans les 17 régions de la province, Femmessor œuvre au développement de l’entrepreneuriat féminin depuis plus de 25 ans, à travers des programmes de financement et d’accompagnement. L’organisation se distingue notamment en offrant le suivi personnalisé d’un prêt sur cinq ans. « C’est une méthode qui a fait ses preuves ! », s’enthousiasme Mme Gasana. En effet, 80 % des entreprises qui ont été supervisées par Femmessor sont encore en activité.
Une enveloppe inclusive
Avec l’annonce de l’ouverture d’un nouveau fonds de 52,5 M$ CAN, au début du mois de juin 2021, la mission de l’organisation s’est élargie pour toucher toutes entreprises à propriété inclusives, qu’elles soient détenues par des femmes, des immigrants, des personnes racisées, en situation de handicap, des membres de la communauté LGBTQ+ ou des Premières Nations.
Une clientèle confrontée à des enjeux similaires à ceux rencontrés par les femmes immigrantes et entrepreneures, touchées entre autres par des problèmes d’accès au financement, qui est pourtant « un levier de croissance » important, d’après l’expérience de Mme Gasana.
« Souvent, les entrepreneures immigrantes ne vont pas demander de financement, et vont utiliser leurs propres économies », poursuit-elle, justifiant cette pratique par le fait que l’emploi du crédit personnel peut être moins répandu dans le pays d’origine des femmes concernées. Cela peut les mener à des situations délicates… à commencer par un défaut de paiement.
« Il y a aussi des biais […] qui font que certaines femmes, certaines immigrantes n’ont pas accès à du financement », confie Mme Gasana.
Contourner les obstacles
Le manque de littératie financière et la méconnaissance de l’écosystème financier québécois peuvent constituer des freins à l’entrepreneuriat immigrant. Des écueils qui peuvent être évités, à condition de savoir s’inscrire dans un réseau d’affaires, prévient Mme Gasana.
« C’est dans les réseaux qu’on apprend énormément comment les choses se passent, souligne-t-elle. [Faire partie d’un réseau d’affaires] permet de connaître les opportunités, de comprendre les rouages de son industrie, de son secteur, ça permet de développer des relations stratégiques, ça permet d’avoir des alliés dans son parcours professionnel, entrepreneurial », poursuit celle qui a pu trouver sa place dans ce tissu social, grâce à son parcours universitaire au Québec.
La collaboration est essentielle, selon la directrice régionale de Femmessor, qui travaille d’ailleurs en partenariat avec de nombreux organismes comme Entreprendre ici, Groupe 3737, ou encore Audace au Féminin.
Mais le réseau ne fait pas tout. « Lorsqu’on est immigrant, on n’est pas toujours familier avec l’environnement d’affaires ou professionnel dans lequel on évolue, on n’a pas toujours la possibilité de demander de l’aide. Pourtant, il y a énormément de ressources qui sont disponibles », insiste Mme Gasana, qui rappelle l’importance de l’accompagnement, qu’il se fasse sous la forme de mentorat, de coaching, ou autres.
En somme, entreprendre, comme immigrer, est une traversée qui ne se fait pas seul.
« On devient ce qu’on voit »
« Les entrepreneurs de la diversité sont encore sous-représentés », estime Mme Gasana, qui ajoute que « si on leur donne les moyens de réussir [leur nombre va continuer de croître et que] sinon, on se prive d’une richesse entrepreneuriale, et le Québec en perd ».
Sylvie Gasana travaille d’arrache-pied pour que s’inverse la tendance, et dresse un bilan plutôt positif de ce qu’elle qualifie de « prise de conscience collective » de la plus-value que constitue l’entrepreneuriat immigrant.
« Ce que j’entends beaucoup sur le terrain, c’est qu’il faut plus de modèles », conclut celle dont le parcours professionnel incarne, à bien des égards, un exemple de réussite.