Plus de 3 500 personnes issues de l’immigration se sont installées à Saint-Hyacinthe, en Montérégie, au cours des 16 dernières années. Des chiffres encourageants pour la capitale agroalimentaire du Québec, dont le développement économique dépend en grande partie de l’arrivée de travailleurs étrangers dans la région.
« C’était simple, ils ne m’embauchaient pas », se souvient Ana Luisa Iturriaga, alors qu’elle replonge dans la mémoire de ses premiers temps au Québec. Arrivée de Mexico en 1982, elle s’installe par amour dans la petite ville de Charlemagne, heureuse de découvrir le lieu qui a vu naître un « bijou national », Céline Dion.
Aujourd’hui directrice à l’Immigration au sein de Saint-Hyacinthe Technopole, Mme Iturriaga reconnaît qu’il n’était pas facile, à l’époque, de trouver un emploi comme femme immigrante, particulièrement à l’extérieur de Montréal.
Des années plus tard, elle n’a de cesse de vanter les atouts des régions pour toutes les personnes qui souhaitent s’installer dans la province. Forte de son expérience de formatrice en relation interculturelle au ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) et dans le milieu communautaire, Mme Iturriaga se dit fière de son identité « mexi-quoise ».
Chercher la solution en région
En poste depuis 2008, Mme Iturriaga a d’abord fait partie de l’équipe du Forum-2020, en charge du développement économique sur le territoire de la MRC des Maskoutins. L’organisme, devenu par la suite Saint-Hyacinthe Technopole, a néanmoins gardé la même mission.
Une mission au cœur de laquelle est ancré le désir de favoriser l’attraction des travailleurs immigrants qualifiés, notamment pour pallier le vieillissement de la population et à l’exode rural des jeunes professionnels locaux.
Que les travailleurs issus de l’immigration aillent s’installer en région n’est pas qu’avantageux pour les entreprises locales, à en croire la directrice. Prenant l’exemple de Saint-Hyacinthe Technopole, elle raconte les succès qu’ont rencontrés plusieurs personnes immigrantes en s’installant chez les Maskoutins, en particulier lorsqu’elles sont bien accompagnées : « il arrive que les immigrants restent deux-trois ans à Montréal sur le chômage ou à faire des jobines, explique-t-elle. On l’a remarqué, et on a commencé à cibler certains profils de compétences pour les attirer ».
Selon Mme Iturriaga, la recette a tout pour fonctionner. Les employeurs désireux de séduire de la main-d’œuvre peuvent miser sur les nombreux avantages de la région, en plus d’un marché du travail moins saturé : le coût de la vie y est moins cher, l’accès à la propriété est généralement plus facile, etc. Surtout, prévient celle qui a toujours « voulu faire l’intermédiaire entre le Québec et les immigrants », le succès « ce n’est pas juste trouver un emploi à la hauteur de leurs compétences, mais aussi de retrouver [la qualité] de vie qu’ils avaient dans leur pays d’origine » — voire celle qu’ils sont venus chercher au Québec.
De l’intégration à l’inclusion
À l’interne, Mme Iturriaga et ses collègues ont réussi à fédérer une équipe originaire de nombreux pays, et qui a choisi Saint-Hyacinthe pour y investir son expérience. Le plus important pour elle était de pouvoir compter sur une équipe représentative de la population du Québec, et de celle de Saint-Hyacinthe en particulier : une équipe qualifiée.
Pour y arriver, cette géographe de formation croit dur comme fer qu’il faut dépasser la volonté d’intégration et penser en termes d’inclusion, qu’elle définit comme « l’appropriation des aspects culturels » de la région d’accueil. « En entreprise c’est pareil, explique Mme Iturriaga. […] L’intégration doit être réalisée en continu pour amener à l’inclusion et à la participation. Dans le cas des entreprises, c’est la fidélisation, c’est-à-dire développer la culture organisationnelle [pour que les travailleurs immigrants] se sentent partie prenante de ces entreprises-là », poursuit-elle.
Pour favoriser ce changement dans la « culture d’entreprise », Ana Luisa Iturriaga et Saint-Hyacinthe Technopole ont mis en place certaines pratiques innovantes comme des déjeuners d’affaires, des visites exploratoires de la ville ou encore des soupers thématiques autour du monde. Elle insiste aussi sur l’importance de la sensibilisation des équipes de travail, notamment en invitant les employeurs à témoigner sur leurs succès d’intégration.
Après quatre décennies au Québec, Mme Iturriaga affirme quant à elle avoir atteint son objectif professionnel : celui de faire le pont entre les nouveaux arrivants, les entreprises et la société québécoise.