Il existe encore une confusion dans l’esprit des employeurs lorsqu’il est temps de différencier les postes à bas salaire et un poste peu spécialisé, par exemple. D’où vient cette confusion ? Quels sont les éléments à comprendre ? Et enfin, de quoi parlons-nous exactement ?
Le 20 juin 2014, le gouvernement fédéral modifie la structure du programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), et instaure le programme de mobilité internationale (PMI). Ce dernier concerne les permis de travail dispensés d’Évaluation d’impact sur le marché du travail (EIMT) — et de sélection temporaire préalable par le Québec (CAQ).
Le principal changement apporté au PTET fut que les postes ne se trouvaient dès lors plus évalués en fonction de la distinction « spécialisés » et « peu spécialisés », mais selon le salaire horaire médian de chaque province. Ce point médian permet d’opérer une distinction entre les postes dits « à bas salaire » et ceux à « haut salaire ». Mais en quoi ces changements ont bouleversé le Programme — de même que l’ensemble du paysage de l’immigration ?
Pour prendre la mesure de ce changement, posez-vous les questions suivantes :
- Un poste dans le volet bas salaire peut être un poste spécialisé ?
- Un poste dans le volet haut salaire peut être un poste non spécialisé ?
- Un poste dont le salaire est inférieur au salaire médian au Québec peut être traité dans le volet haut salaire ?
Détaillons ensemble le fonctionnement et l’impact de cette approche.
Comprendre le rôle de la classification nationale des professions dans le processus des permis de travail
La classification nationale des professions (CNP), qui est un principe de base de classement de plus de 30 000 appellations d’emploi au Canada, joue un rôle déterminant dans le processus d’une demande de permis de travail, et possède également un impact sur les programmes de résidence permanente au Québec.
Ce code à 4 chiffres peut réaliser des miracles à plusieurs niveaux. À travers ses 500 groupes de base, organisés en fonction de quatre niveaux de compétence et dix grandes catégories professionnelles, la CNP vous permettra de répertorier si le poste occupé par le travailleur est « spécialisé » ou non.
Pour rappel, les postes spécialisés sont ceux qui touchent le domaine de la gestion (catégorie 0), de la direction (catégorie A) et des postes techniques (catégorie B) pour lesquels une formation professionnelle est requise. Concrètement, retenez que :
- Les CNP dont le 2echiffre à partir de la gauche est un 1 sont des postes de direction ;
- Les CNP dont le 2echiffre à partir de la gauche est un 2 ou un 3 sont des postes techniques, également spécialisés ;
- Les CNP qui commencent avec un 0 sont des postes de gestion (le 2echiffre n’a aucun impact sur le profil spécialisé même si autre que 2 ou 3).
Par conséquent, tous les autres chiffres en 2e position sur le code CNP ne concernent que des postes peu spécialisés de catégorie C ou D.
Dans le cadre du PTET, les agents du MIFI et de Service Canada analysent le profil du candidat selon les critères de la CNP, notamment à la lumière des niveaux requis en matière d’étude, de compétences, d’expérience, et bien entendu de rémunération, selon la grille des salaires par quartile (sauf si le poste est syndiqué). Par conséquent, pour pouvoir travailler sur les demandes d’EIMT et de CAQ, il est important de bien comprendre comment fonctionne le processus, afin d’assurer l’arrimage de la CNP au profil du candidat.
CNP et impact sur les opérations en immigration
Jusqu’au 20 juin 2014, les demandes d’EIMT et CAQ s’effectuaient selon une analyse basée sur les paramètres du poste, spécialisé ou non. Le MIFI avait même un contrat type obligatoire pour les postes peu spécialisés. Ainsi, au moment de déposer une demande d’EIMT, les employeurs utilisaient les trousses de formulaires qui s’appliquaient soit pour la catégorie des postes spécialisés, soit à celle des postes peu spécialisés. Chaque catégorie relevait de critères propres, et imposait des règles et conditions différentes sur la durée, les obligations des employeurs, etc.
Quant au processus du « traitement simplifié », qui est un processus spécifique au Québec, les postes ne concernent que ceux qui sont spécialisés. La liste des professions qui sont reconnues par la province comme étant en pénurie est actualisée chaque année en prenant en compte les paramètres du marché du travail du Québec. Toutefois, avec les annonces courant août 2021 des autorités compétentes en matière d’immigration, cette liste va intégrer certaines professions en pénurie peu spécialisées de catégorie C. Il est important de préciser que nous sommes très privilégiés au Québec de pouvoir bénéficier de ce processus qui apporte beaucoup d’avantages aux employeurs et permet notamment de basculer des postes en « bas salaire » vers le volet « haut salaire » — avec quelques avantages.
Dans la réalité, un poste « peu spécialisé » ne concerne pas seulement des activités où le salaire est moindre. Bien au contraire, il existe des postes, peu spécialisés, où la rémunération peut être très généreuse et de la même façon, des postes spécialisés où le salaire peut être même au taux minimum de la province. Un chauffeur de camion peut avoir un salaire équivalent horaire supérieur à 25 $ CAN, alors qu’un cuisinier, seulement de 14 $ CAN à 15 $ CAN de l’heure. Pourtant le premier est un poste peu spécialisé alors que le second est un poste spécialisé de catégorie B spécialisé. C’est ainsi que, la CNP elle joue toujours un rôle déterminant dans les stratégies en immigration.
En premier lieu, au niveau des permis de travail, si le travailleur occupe un poste spécialisé (soit de catégorie 0, A ou B), le conjoint peut recevoir un permis de travail ouvert sous certaines conditions, ce qui permet la réunification familiale, d’augmenter le niveau de vie et de faciliter socialement l’intégration dans la nouvelle société d’accueil. Dans le cadre d’un recrutement international, c’est un des paramètres principaux à intégrer, car il n’y a rien de pire que séparer une famille pendant des années si celle-ci ne peut faire le voyage avec votre employé.
Ensuite, les travailleurs étrangers temporaires qui occupent un poste en catégorie spécialisée peuvent solliciter un CSQ dans le cadre du PEQ. Une option dont ne peuvent plus bénéficier les catégories peu spécialisées.
Mécanisme des volets « bas salaire » et « haut salaire »
Maintenant que vous avez compris qu’un poste soit spécialisé ou non n’a aucune incidence sur votre demande d’EIMT et de CAQ, voyons à présent sur quels éléments une telle demande est fondée.
Lors de la réforme de 2014, le gouvernement fédéral a décrété que le salaire médian déterminera, au cas par cas selon les provinces, si un poste se classe dans le volet « bas » ou « haut » salaire. Au Québec, le salaire horaire médian est de 23,08 $ CAN. Donc, tout salaire de 23,08 $ CAN et plus entre dans le volet « haut salaire », et toute rémunération inférieure est considérée comme « bas salaire ».
Les différences sont fondamentales. La réforme a impacté non seulement la catégorisation des postes, mais elle a aussi modifié des paramètres majeurs comme l’affichage, très différent selon le volet ; elle a imposé des quotas sur le nombre d’employés admissibles, ainsi que des obligations aux employeurs pour les bas salaires. Enfin, elle a mis en place une cellule de Service Canada pour mener des enquêtes de conformité auprès des employeurs.
Le mécanisme, une fois bien assimilé, fonctionne bien — dès lors que l’on respecte les règles du jeu. Car préparer une demande de permis de travail avec EIMT-CAQ est un véritable jeu de stratège. Il faut être proactif et éviter de tomber dans la facilité. Copier-coller les EIMT pour les mêmes postes chez le même employeur ne constitue pas une pratique à encourager.
Vrai ou faux ?
Passons à un exercice pratique et confrontons quelques idées reçues de certains recruteurs et employeurs au sujet des postes à « bas » et « haut » salaires.
Les permis de travail sur EIMT à « bas salaire » ne peuvent pas être obtenus plus de 2 fois pour le même candidat.
FAUX. Une EIMT, qu’elle soit dans le volet haut ou bas salaire, correspond à chaque fois à une nouvelle demande. Par conséquent, à partir du moment où l’employeur est en mesure de justifier le poste, l’EIMT sera accordée, que ce soit pour le même ou tout autre candidat. Dans le cas où il s’agit du même candidat, assurez-vous toutefois que le profil de celui-ci correspond toujours aux critères de la CNP, ou vous risquez d’avoir des surprises lors des demandes de prorogations de permis.
Les EIMT dans le volet « haut salaire » sont accordées pour 3 ans.
VRAI et FAUX. Les EIMT peuvent être accordées pour une durée de 3 ans (renouvelables, donc) à la discrétion de l’agent de Service Canada. En effet, la moyenne de durée accordée est de 24 mois. Toutefois, si vous avez des arguments qui démontrent que le travailleur étranger est vraiment indispensable pour vos activités pour au moins 36 mois, votre demande pourrait être accordée. Attention il ne suffit pas de le dire, encore faut-il le démontrer.
Les employés avec un permis de travail du volet « bas salaire » ne peuvent faire venir leur famille.
VRAI et FAUX. Un travailleur peut toujours faire venir sa famille s’il dispose des fonds nécessaires pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille au Canada. Les agents vont analyser les revenus du travailleur et accorder les visas et permis d’étude, le cas échéant. Certes, la situation est un peu plus facile pour les familles des travailleurs qui viennent de pays sans visa, mais mieux vaut ne jamais rien prendre pour acquis en matière d’immigration.
Attention cependant, il ne faut pas mélanger « faire venir leur famille » et « faire bénéficier le conjoint d’un permis de travail ». En effet, le travailleur qui veut faire venir sa famille et désire que son épouse travaille peut demander un permis de travail ouvert s’il occupe lui-même un poste spécialisé, et ce même s’il occupe un poste à bas salaire.
Lors de la prorogation d’un permis de travail d’un employé dans le volet « bas salaire », on ne peut pas le faire changer de poste vers le volet « haut salaire ».
FAUX. Un employé qui est sur permis de travail n’est pas voué à rester éternellement dans la CNP pour laquelle il a été initialement recruté. Cependant, l’employeur doit obligatoirement procéder à une nouvelle demande d’EIMT — et pas uniquement lors des prorogations du permis de travail. Si, par exemple, au bout de 6 mois, vous constatez que votre travailleur dispose d’aptitudes pour devenir superviseur, vous pouvez enclencher les modifications sans attendre la fin de son permis. Les mesures spéciales d’IRCC mises en place pour la COVID-19 permettent même de modifier le permis de travail de façon prioritaire.
Ces quelques exemples démontrent comment il est facile d’interpréter les informations et critères du programme et se retrouver hors champ. Par conséquent, assurez-vous toujours de vous informer auprès des sources qui sont fiables, sécuritaires et qui ont fait leurs preuves.