En dix ans, le Centre culturel Georges-Vanier (CCGV) a façonné son nid au cœur de l’arrondissement du Sud-Ouest, à Montréal. À sa tête depuis janvier 2019, Hanieh Zaiei œuvre sans relâche afin de « démocratiser l’art et la culture ».
« Mon engagement n’est pas que professionnel, il est aussi citoyen », affirme en entrevue la directrice générale du CCGV, dont la passion transperce l’écran. Pour elle, la mission de cet organisme à but non lucratif, « dont l’objectif est de faire la promotion de la pratique artistique amateur et professionnelle dans une vision à la fois interculturelle et intergénérationnelle […] », dépasse le cadre purement artistique. Il s’agit de tisser du lien social.
Les activités du Centre se concentrent autour de quatre volets : cours et ateliers, expositions, événements culturels et une salle de location, dont les profits servent à financer les autres activités du centre. Au programme, une formation en danses africaine, ou encore une exposition de l’artiste visuelle d’origine mexicaine Cara Carmina. « Nous travaillons avec des artistes et artisans de partout, mais qui ont en commun d’être basés à Montréal », souligne Mme Ziaei, elle-même née en Iran.
Par-delà les frontières
L’attention donnée à une programmation représentative de la société québécoise transparaît aussi dans le recrutement des employés et collaborateurs du Centre. Afin de donner une image ouverte et inclusive de leur travail, « il faut commencer par les collaborateurs », insiste Mme Ziaei, qui part du principe que « toutes les identités sont plurielles et multiples ». Et elle en sait quelque chose.
Après des études à Bruxelles et Ottawa, elle a choisi de poser ses bagages dans la « capitale culturelle du Québec », il y a une décennie. La sociologue et politologue de formation y multiplie depuis les expériences comme chercheuse, professeure et conférencière, en plus de son travail au CCGV.
« Je me reconnais plus dans le terme de nomade que dans celui d’immigrante », confie celle pour qui prime le concept d’hybridité, à la croisée des chemins et des identités. En ce qui a trait à la création, Mme Ziaei croit qu’« il y a déjà assez de frontières, visibles et invisibles [et que] le but n’est pas d’en rajouter d’autres ».
Un réel enjeu, à l’en croire, pour les personnes immigrantes et issues de la diversité qui souhaitent se lancer dans le milieu artistique. Les programmes de subvention et d’accompagnement visant ce public cible peuvent « enfermer les artistes dans des cases qui peuvent nourrir des clichés et des stéréotypes », s’inquiète la sociologue de formation.
Contourner les obstacles
Pour les artistes issus de l’immigration, ce n’est pas le seul défi. Le manque de réseau et de familiarité avec le système de subventions institutionnelles peut également constituer un obstacle, tout comme les contraintes liées à une maîtrise parfois limitée du français, qui peut leur nuire dans la rédaction des demandes de bourses.
« Il n’y a pas d’égalité des chances », se désole Mme Ziaei, qui rappelle cependant qu’il existe plusieurs structures pour accompagner les artistes immigrants dans leur démarche. Le CCGV collabore d’ailleurs avec l’organisme Diversité artistique Montréal (DAM), spécialisé dans le mentorat d’artistes professionnels.
Le Conseil des Arts de Montréal offre également une panoplie de programmes visant à favoriser l’inclusivité dans le milieu culturel, fréquemment pointé du doigt pour son manque de représentativité.
Résilience
Quant au CCGV, il déplore un manque de ressources humaines et un budget limité pouvant parfois porter entrave à son mandat : « sortir de l’entre-soi et rendre l’art le plus accessible possible », soutient Hanieh Ziaei.
« Sans verser dans le communautarisme, nous cherchons à aider les communautés », poursuit-elle, reconnaissant « qu’il y a encore beaucoup de travail à faire ». Un travail qui passe notamment par l’apprentissage des codes culturels et des codes du travail, souvent déficitaire dans la formation dédiée aux nouveaux arrivants, selon la directrice générale du CCGV.
Les questions d’inclusion et d’intégration viennent s’ajouter aux nouveaux défis liés à la crise sanitaire auxquels font face les acteurs du milieu culturel. Pour Mme Ziaei, il faut faire preuve d’imagination. En ces temps difficiles, « l’expérience migratoire est similaire à l’expérience du milieu artistique », dit-elle. « Elles témoignent d’une grande capacité de résilience ».