Hausse des accidents de travail, conditions d’hébergement pointées du doigt… Nombreuses sont les dénonciations concernant les conditions de travail et de vie des travailleurs étrangers temporaires, en particulier agricoles. Nous sommes allés à la rencontre des Fermes Serbi, une entreprise qui se démarque par ses bonnes pratiques en termes d’intégration et d’inclusion de sa main-d’œuvre étrangère.
« Je crois que le secret, c’est vraiment de les traiter comme notre famille, de s’assurer que les gars sont heureux au travail, qu’ils ne manquent de rien », affirme Marie-Ève Bigras, en charge des ressources humaines, de l’emballage et de la salubrité à la ferme fondée par ses parents, qui se spécialise dans la production de choux, de tomates et de rhubarbe. Une histoire de famille qui a commencé à s’écrire dans les Laurentides, à Saint-Eustache, il y a trois décennies.
L’entreprise accueille des travailleurs étrangers temporaires soumis au Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) et au volet agricole du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) depuis un quart de siècle. Elle compte aujourd’hui 30 travailleurs originaires du Mexique et du Guatemala sur une quarantaine de personnes en emploi.
Une démarche difficile
Si la ferme a pris de l’expansion depuis sa création, le recours à la main-d’œuvre étrangère s’explique aussi par la pénurie qui frappe actuellement la province. « Plus récemment, ça s’est aggravé », souligne Mme Bigras, rappelant que le contexte pandémique a également compliqué la venue des travailleurs étrangers.
« Souvent, les délais pour obtenir les visas sont très longs » se désole-t-elle, accusant une certaine « lourdeur administrative » liée à l’embauche de personnes étrangères. Année après année, l’équipe locale des Fermes Serbi doit remplir les mêmes papiers et se soumettre à des inspections, en plus d’accompagner les travailleurs dans l’obtention de leur numéro d’assurance sociale et d’assurance maladie.
Un travail de longue haleine, mais qui porte ses fruits : une vingtaine de leurs employés cumulent de dix à vingt ans d’expérience dans leurs champs.
Inclusion
Retenir les employés est un défi, surmonté avec succès par Mme Bigras et sa famille.
« Il n’y a pas d’abus de leur part », confirme Hector, 43 ans. Arrivé aux Fermes Serbi en 2002, tout droit de l’État d’Oaxaca, le travailleur ne se réjouit pas seulement du salaire, beaucoup plus important que celui qu’il aurait pu espérer au Mexique. Lui-même de parents agriculteurs, il soutient que les conditions de travail sont plus clémentes au Québec. « Même avec les écarts de températures complètement délirants », précise-t-il avec humour en espagnol, langue dans laquelle il communique avec Mme Bigras et son frère, également impliqué à la ferme.
« J’ai dit à mon père que j’irais apprendre l’espagnol [en Amérique latine] pour revenir à la ferme et l’aider avec les employés », se souvient Marie-Ève. Un voyage qui lui a par la suite permis de tisser des liens avec Hector et ses collègues. Travailler dans leur langue maternelle favorise la sécurité, la santé et le bien-être au travail, estime Mme Bigras.
Avant la pandémie, de nombreuses activités étaient également organisées à la ferme afin de contribuer à l’intégration des travailleurs étrangers, des parties de soccer aux visites à l’Oratoire Saint-Joseph, en passant par les dîners pizzas aux frais des employeurs.
Support et solidarité
Une panoplie d’organismes sont aussi actifs pour assurer les droits du demi-million de travailleurs étrangers temporaires présents au pays, d’après Statistique Canada (2017).
Le Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ) est actif dès l’aéroport, à Montréal. Les Fermes Serbi reçoivent aussi le soutien du Centre d’intégration en emploi (CIE) régional ou encore de FERME, qui procure notamment des services de traduction et d’accompagnement administratif.
« On est quand même bien entourés », se réjouit Marie-Ève Bigras, membre d’un regroupement au sein de l’Union des producteurs agricoles (UPA), qui vise à accompagner les employeurs faisant appel au PTAS et au PTET.
Il est impératif, selon elle, de « continuer à sensibiliser les employeurs aux bonnes pratiques […] et les employés pour qu’ils soient au courant de leurs droits ». D’un côté comme de l’autre, il s’agit de s’informer et de s’adapter. « On tient à nos travailleurs comme à notre famille et on sait qu’on a besoin d’eux », poursuit Mme Bigras qui, à l’approche de l’hiver, s’apprête à leur dire à bientôt.