C’est un véritable projet de vie qui a amené Selin Deravedisyan-Adam et sa famille à s’enraciner au Québec, voilà 23 ans. Tout au long de ces années, Selin a travaillé autant dans le domaine de la formation, de l’entrepreneuriat et de la mobilité internationale. Pionnière en matière de services d’accompagnement et d’accueil pour les travailleurs étrangers recrutés par les entreprises canadiennes, elle a par la suite formé et accompagné des dizaines d’employeurs dans les processus d’obtention de permis de travail. En 2014, elle prend un nouveau virage, et fonde PHOENIX-GMI avec Christian Adam. Dès 2016, tous deux lancent officiellement des services de recrutement à l’international aux entreprises québécoises. De ces années de pratique, Selin nous livre ses conseils pour réussir un recrutement à la fois efficace et à long terme.
Comment vous organisez-vous pour cibler les candidats et les pays sources de recrutement ?
Je ne suis pas une grande amatrice des listes de candidats présélectionnés, et moins attachée encore au mythe (très répandu) que nous pouvons recruter n’importe qui, venant de n’importe où, dès lors que la personne « va faire l’affaire ». Il ne faut pas non plus se faire piéger par la personnalité sympathique du candidat. C’est comme un gâteau avec trop de crème. Nous mangeons d’abord le gâteau, c’est lui qui nous intéresse. La crème est ce qui le rend agréable, seulement.
Il faut savoir que de plus en plus de candidats charment les employeurs québécois, dans l’idée de se faire recruter pour n’importe quel poste, puis de changer d’employeur dès leur arrivée au Canada. Naturellement, cela n’est pas dans notre éthique professionnelle. Nous préférons cibler les candidats en mettant en place 3 paramètres.
En premier lieu, nous regardons le poste à pourvoir et les spécificités de l’employeur, qui peuvent varier autant de l’aspect technique que d’autres exigences comme la langue ou la forme physique, par exemple. Cette étape, une fois bien définie, nous permet d’ajuster nos cibles vers les pays sources privilégiés pour ces profils professionnels.
Ensuite, nous établissons le second paramètre sur un échéancier structuré, selon des procédures d’immigration qui ont un impact majeur.
Enfin, nous calibrons la zone géographique déterminée par le profil des candidats selon les postes. Il arrive que nous tablions sur plusieurs zones en même temps à travers le monde pour pouvoir apporter une stratégie qui aura un impact dans le processus de recrutement. Cette technique permet aux employeurs d’organiser simultanément dans le temps les arrivées des candidats par rapport à leurs besoins en production.
Quels sont les écueils courants qu’un employeur rencontre dans le cadre du recrutement de ses travailleurs étrangers temporaires ?
Nous pouvons dire effectivement que des écueils existent. Mais, dans la majorité des cas, leur importance résulte de manquements en amont, et elle demeure assez superficielle. Les problèmes débutent généralement lorsqu’un employeur tente de recruter à l’étranger sans se préparer, et s’imagine que tout va bien se passer dès l’arrivée des premiers travailleurs. Cela relève de l’utopie.
Les employeurs qui parviennent à éviter les problèmes sont ceux qui prennent le temps de se former et de se préparer dans ce processus de recrutement à l’international. Cette formation ne se résume pas simplement aux questions de l’arrivée des travailleurs et de la mise en place de la logistique de l’accueil. Elle recouvre en réalité l’ensemble du travail d’intégration et de sensibilisation qui doit se mettre en place au sein de l’entreprise, à tous les niveaux hiérarchiques. Cette préparation doit continuer pendant tout le processus du recrutement, qui est loin de s’achever à l’arrivée des candidats. Or, en la matière, l’accompagnement des employeurs est fondamental.
Au registre des difficultés rencontrées sur le terrain, nous pouvons en citer une particulière, celle du logement. La question du logement, simple a priori, relève de plus en plus du fléau, autant en région dans les petites municipalités que dans les grandes agglomérations. La rareté des logements convenables et abordables fait partie des défis des employeurs, mais également des équipes de professionnels en mobilité chargés de l’accueil des travailleurs. Il arrive fréquemment que les employeurs doivent louer, quelques mois avant l’arrivée de leurs travailleurs, des bâtisses entières ou des logements individuels. Il faut alors se synchroniser avec les retards de délai de traitement des autorités d’immigration et la crainte de perdre la possibilité de location du logement s’il n’est pas loué… Encore une fois, il est fondamental de venir aider ces employeurs à mettre en place des solutions, et appliquer les meilleures approches pour optimiser l’installation de leurs employés.
Comment décririez-vous les rapports entre les candidats et les employeurs lors d’une mission de recrutement international ?
Les missions sur le terrain sont des moments privilégiés et précieux, autant pour les employeurs que pour les candidats. Toutefois, avec la COVID-19, nous avons appris à nous organiser avec les missions virtuelles, dans la mesure où nous ne pouvions presque plus nous déplacer. Les missions virtuelles restent toutefois très limitées en termes de contact. Les employeurs axent principalement les rencontres sur les compétences, et s’emploient à cerner la personnalité du candidat. Certes, par écran interposé, les rencontres aplanissent un peu ce côté humain « direct », mais une bonne connaissance préalable de chacun des candidats et de leur projet de vie suffit généralement à les désinhiber pendant les entrevues. Cela dit, il faut être réalistes. En fonction de leur culture, certains candidats vont démontrer une première gêne, qui se dissipe rapidement. Nous sensibilisons beaucoup les employeurs sur le côté culturel et les valeurs originelles des candidats, afin de les préparer mutuellement à ces rencontres.
Les missions sur le terrain sont plus fusionnelles. Le face-à-face a tendance à détendre dès le départ. Et puis, les candidats découvrent « le Canadien » qui vient les rencontrer ! Pour eux, ce moment est inoubliable, car il peut constituer le pas vers une nouvelle vie. Ce que l’on observe aussi, en tant que professionnels, c’est le respect que les candidats témoignent envers les employeurs, à chaque rencontre. Enfin, si les employeurs peuvent avoir des idées préconçues sur les candidats, on constate que dès l’instant où le contact est établi, ces idées disparaissent pour laisser la place à une relation franche et sincère entre les candidats et les employeurs. Ces derniers reviennent au Québec, riches d’informations, de culture et savent se préparer pour accueillir leurs candidats qu’ils ont déjà commencé à connaître.
D’expérience, qu’est-ce qui fait qu’un processus de recrutement est une réussite ?
Quand on exerce le métier de recruteur international, on doit travailler comme des joailliers. Que ce soit pour recruter une personne ou cent au cours d’une mission, la dynamique doit rester identique. Quand vous parlez avec un client, un prospect, vous devez être en totale maîtrise de chaque étape du processus. Dans notre cas, nous avons l’avantage d’être une entreprise familiale intervenant directement à chaque étape avec une équipe chevronnée. Notre approche est d’être le « père » et la « mère » de nos travailleurs étrangers, mais plus que ça, je vous mentionnais que nous devions travailler comme des joailliers… le candidat est la pierre ou la perle précieuse que nous devons mettre sur la monture de la bague solidement ancrée par les procédures d’immigration que nous maîtrisons en premier lieu. C’est ce que nous faisons et c’est ce qui marche. Nous ne vendons ni du rêve ni des employés. Nous recrutons en restant profondément humains, pour chercher des humains qui aideront d’autres humains à grandir !