Dans la suite de notre tour d’horizon des régions québécoises et de leurs spécificités en matière d’emploi et d’immigration, nous nous arrêtons au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Au-delà de ses qualités touristiques et naturelles, la région possède des enjeux de langue et de rétention de main-d’œuvre. Face à cela, les différents acteurs doivent faire front commun.
Perché à deux heures au nord de la Ville de Québec se trouve un lieu touristique majeur au Québec. Attirant les visiteurs québécois et internationaux durant toutes les saisons, le Saguenay–Lac-Saint-Jean est connu pour son fjord et son lac, véritables emblèmes. Majoritairement rurale, la région demeure proche de la Capitale-Nationale, et donc de la ville de Québec.
« Notre enjeu est sans nul doute la grandeur de notre territoire. Il y a une faible densité de population, peu de petits services ou de transports en commun », explique Julie Gauthier, directrice générale de l’organisme Portes ouvertes sur le lac, qui travaille auprès des entreprises et des personnes immigrantes installées dans la région.
Or, l’immigration afflue au Saguenay ces dernières années. Si, en 2016, la région ne comptait que 2 965 personnes immigrantes (0,3 % de la population), 485 permis de travail ont été octroyés en 2020 et 320 en 2019. De même, en décembre 2021, le groupe Inclusia, qui propose de l’aide à l’emploi, à l’installation, à l’intégration, mais aussi de l’accompagnement aux entreprises, avait déjà doublé ses cibles d’immigration de l’année, et Portes ouvertes sur le lac a, quant à lui, accueilli 295 personnes immigrantes en 2021 comparativement à 79 en 2019 et 60 en 2020.
Quelle intégration ?
L’économie saguenay-jeannoise est surtout dominée par la foresterie, la fabrication, notamment des soudeurs, des mécaniciens et ses dessinateurs industriels. Particulièrement en demande de main-d’œuvre, les secteurs des services, de la transformation et de la fabrication peinent à recruter, selon les données les plus récentes du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale.
Pour Sylvie Pedneault, intervenante formatrice terrain pour les personnes immigrantes et les entreprises au sein du groupe Inclusia, à Saguenay, ce contexte de pénurie de main-d’œuvre est une aubaine pour la région comme pour les personnes immigrantes. « Les opportunités sont plus nombreuses, et accessibles plus rapidement pour les travailleurs. Les entreprises sont davantage prêtes à faire autrement, à s’ouvrir », appuie-t-elle.
D’un autre côté, l’intervenante explique que l’anglais est peu parlé parmi la population de la région, ce qui en fait le terrain optimal pour apprendre le français, mais peut rendre l’acclimatation et les débuts plus difficiles pour les personnes immigrantes non francisées.
Au cœur de l’immigration
Comme l’Abitibi-Témiscamingue, le Saguenay–Lac-Saint-Jean est une région à visages multiples. Chacune des cinq MRC a son identité, ses dynamiques. Ce qui amène les organismes et les MRC à s’adapter aux besoins de chacun. « On est divisés en territoires, et on réfère donc selon le territoire le plus adapté », explique Sylvie Pedneault.
La Ville de Saguenay et sa MRC sont à l’avant-poste en matière d’immigration. Avec son plan d’action 2019-2022 en matière d’accueil et d’intégration et d’établissement durable, la municipalité « a ouvert la voie à une concertation durable », estime Sylvie Pedneault. « On est plein d’acteurs autour d’une même table grâce à cela. C’est important que la ville exerce ce leadership, elle doit prendre plus de place en immigration », affirme-t-elle.
De son côté, la MRC prend elle aussi les devants, avec l’ouverture en septembre 2021 d’une maison d’accueil pour les immigrants, la mise en œuvre de la table de concertation Avantages Saguenay pour l’accueil et la rétention des 18-35 ans. « Il faut poursuivre ces actions et les multiplier », selon Sylvie Pedneault.
Avec une telle dynamique, le groupe Inclusia mise aussi sur les partenariats. Que ce soit avec la chambre de commerce, des organismes de régionalisation à Montréal, l’école de francisation locale, etc. « C’est ce qui nous aide, le bouche-à-oreille, ainsi que la promotion sur les réseaux sociaux », poursuit Mme Pedneault.
Sur tous les fronts
Quant aux autres MRC, le travail en faveur de l’immigration est principalement réalisé par Place aux jeunes, le Carrefour jeunesse-emploi (CJE) ou par Portes ouvertes sur le lac, qui possède trois branches dans les MRC du Lac-Saint-Jean-Est (Alma), Maria-Chapdelaine (Dolbeau-Mistassini) et Domaine-du-Roy (Saint-Félicien). La particularité de ces collectivités ? Leur éloignement de Saguenay et de Québec, mais aussi une économie dominée par l’agriculture et la foresterie.
L’organisme est donc sur tous les fronts, de la sensibilisation des entreprises, en passant par l’attraction, l’accueil et l’intégration à court comme à long terme. « Nous avons 3 agents d’immigration par bureau, un agent étudiant au Lac-Saint-Jean-Est, un agent à Montréal et un autre en charge du jumelage entre les nouveaux arrivants et la population », détaille Julie Gauthier, de Portes ouvertes sur le lac.
Collaboration et rétention
Tous ces investissements visent à combattre l’enjeu numéro un dans la région : la rétention des personnes immigrantes, mais aussi de la population québécoise. Un problème d’autant plus fort dans les autres MRC que Saguenay, qui sont plus éloignées de la ville de Saguenay, par exemple, de ses services et de ses infrastructures.
Ainsi différents acteurs s’impliquent de plus en plus dans ce travail, comme les MRC, qui sont de bons partenaires de Portes ouvertes sur le lac. « Petit à petit, elles ont toutes fini par nous soutenir financièrement ou en nous offrant des bureaux, comme à Alma », détaille la directrice.
L’organisme prône justement une action collaborative. « On doit s’organiser, revoir nos pratiques. Cela permet de définir régionalement les enjeux et de les gérer collectivement », appuie la directrice. Cela se passe entre autres à travers des tables de concertation en logements ou en économie, comme l’initiative Avantages Saguenay.
Photo : Martial Tremblay