Un nouveau projet-pilote vise l’intégration en emploi des demandeurs d’asile dans le secteur du tourisme au Québec.
En septembre 2023, le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT) a lancé un projet-pilote innovant, avec pour objectif de placer annuellement 1 000 demandeurs d’asile en emploi sur trois ans.
Alors que la province enregistre un nombre record de demandes d’asiles cette année, le comité sectoriel fait d’une pierre deux coups. D’une part, il permet à l’industrie touristique de répondre en partie à ses importants besoins en main-d’œuvre, avec actuellement 32 000 postes vacants. Le CQRHT espère aussi, d’autre part, contribuer à l’intégration en emploi des demandeurs d’asile, « sachant que le tourisme est déjà un secteur d’intégration de main-d’œuvre important », soutient son directeur général, Xavier Gret.
Le programme a été pensé à l’initiative du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS). Il pourrait être renouvelé au bout de trois ans, s’il démontre des résultats positifs.
Accompagnement adapté
Deux types de parcours s’offrent aux participants. Ceux qui maîtrisent la langue française et ont une expérience de cinq ans ou plus dans l’industrie touristique sont « maillés directement avec les entreprises ». Une fois placés en emploi, ils sont tout de même accompagnés dans l’entrée en poste par l’équipe du CQRHT, qui assure aussi un suivi régulier.
Pour ceux qui n’ont pas d’expérience dans le secteur et/ou qui ne parlent pas encore français, le passage dans un organisme en employabilité est la première étape. Le MESS a sélectionné six organismes partenaires, dont un à Québec et cinq autres à Montréal, afin de réaliser des bilans de compétences et aider les participants à faire un curriculum vitaeadapté aux exigences du marché québécois. « Une fois que c’est fait, on les récupère chez nous et on fait le maillage avec les entreprises », explique Xavier Gret.
Une formation générale en tourisme, deux formations spécifiques aux métiers parmi les plus en demande, soit la réception et l’entretien ménager, ainsi qu’un volet d’accompagnement en francisation sont en cours d’élaboration.
Le directeur général souligne que, jusqu’à présent, environ 80 % des participants sont francophones, rendant « l’intégration beaucoup plus rapide et facile ». Les 20 % restants sont à majorité hispanophone (15 %), et les 5 % restants parlent anglais. Du soutien est également disponible dans ces deux langues.
Bilan positif
Bien que le projet-pilote en soit encore à ses débuts, l’équipe du CQRHT se réjouit pour l’instant de son bilan.
Plus de 50 entreprises sont inscrites, avec 177 postes affichés sur la plateforme en ligne, principalement comme cuisiniers, serveurs, préposés à l’entretien ménagers et réceptionnistes. Certains postes de direction sont également ouverts.
Les entreprises de la Capitale-Nationale semblent particulièrement intéressées par l’opportunité, avec 93 emplois affichés sur la plateforme.
Autre fait saillant : 16 % des entreprises proposent des solutions d’hébergement temporaires aux demandeurs d’asile qui travaillent pour eux. Une proportion non négligeable, au vu de la pénurie de logements abordables à l’échelle de la province.
À partir de ces premières données, le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme espère pouvoir améliorer le programme, « afin de répondre aux besoins de notre clientèle [les demandeurs d’asile, NDLR] et de notre secteur », souhaite Xavier Gret.
S’il croit en l’industrie touristique et en ses 400 métiers, c’est, entre autres, car il s’agit d’« une belle voie de passage pour eux, qui permet d’avoir une évolution de carrière », explique-t-il. « Dans notre secteur d’activité, quelqu’un peut encore commencer plongeur et terminer vice-président d’une chaîne hôtelière », donne-t-il comme exemple.
Les salaires à l’entrée peuvent atteindre 23, 24 ou 25 $ CAN de l’heure. Ce secteur offre de nombreux avantages en nature, et permet aux nouveaux arrivants de « voir du pays ».
Les enjeux d’intégration n’en sont toutefois pas moins réels, et « c’est pour ça qu’on accompagne les entreprises », rassure Xavier Gret. « Parce qu’il y a une culture différente, une façon de parler différente, la formation de santé et sécurité au travail [à refaire] ». De plus, ils « peuvent aussi avoir subi des traumatismes dans leur pays d’origine [qu’ils] ont eu un parcours difficile avant d’arriver ici [et que] ça demande un accompagnement plus important » que d’autres types de population, affirme-t-il. « Mais ce qu’on voit, c’est que les gens veulent y arriver. »
Un projet d’avenir
Au Québec, il faut compter environ 21 mois pour obtenir le statut de réfugié. En attendant le traitement de la demande d’asile, un permis de travail est nécessaire pour intégrer le marché de l’emploi.
En attente d’un permis de travail, nombreux sont ceux à se tourner vers l’assistance sociale. Un record a d’ailleurs été atteint dans la province : le nombre de demandeurs d’asile prestataire de l’assistance sociale est passé de 17 544 à 40 142, entre juin 2022 et juin 2023.
Ces chiffres s’expliquent notamment par l’afflux de ressortissants ukrainiens et par les délais d’attente de plusieurs mois avant l’obtention d’un permis de travail, mais ils disent aussi quelque chose de l’intégration professionnelle de cette population.
En parallèle, les entreprises font de plus en plus appel au recrutement international, qui vient avec un coût, des délais et des difficultés considérables. Et pourtant, s’étonne Xavier Gret, « on a des gens déjà sur le territoire et disponibles ».
« On vise l’immigration, on va chercher à l’extérieur. Mais il y en a ici ! Alors, intégrons les gens qui sont ici en priorité », propose le directeur général du CQRHT, qui espère déjà voir le programme renouvelé.
Photo : Maxime Doré