Pour les demandeurs d’asile, l’accès à l’emploi est parsemé d’obstacles.
Dès leur arrivée au Canada, souvent précipitée pour des raisons humanitaires, les demandeurs d’asile « veulent tout de suite entrer sur le marché du travail », constate Lucia Florescu à lumière de son expérience comme conseillère en emploi au Centre social d’aide aux immigrants (CSAI).
À première vue, les chiffres semblent pourtant dire autre chose : entre les mois de juin 2022 et 2023, le nombre de demandeurs d’asile prestataires de l’assistance sociale est passé de 17 544 à 40 142 au Québec.
Un record d’autant plus impressionnant au vu de la pénurie de main-d’œuvre et des 165 430 postes qui restaient vacants dans la province entre le second et le troisième trimestre de 2023, selon l’Institut du Québec.
Laissés pour compte
Derrière ces chiffres, la réalité des demandeurs d’asile au pays est complexe.
Au Québec, ces derniers doivent obtenir un permis pour pouvoir travailler, en attendant d’obtenir leur statut de réfugié, au bout d’environ 21 mois. Les délais pour obtenir ce permis de travail sont longs, et les demandeurs d’asile se retrouvent souvent avec l’assistance sociale pour seule source de revenus.
Mais « l’obstacle numéro un qui différencie les demandeurs d’asile de toutes les autres catégories de migrants », d’après Lucia Florescu, « c’est le manque d’accès à l’information ». À l’exception près de quelques ressources, que la conseillère en emploi énumère sur les doigts d’une main, les demandeurs d’asile n’ont pas accès aux ressources d’aide à l’emploi.
En plus de s’installer au Québec sans réseau professionnel, parfois sans connaître la langue ni voir leurs compétences et leurs expériences reconnues, ils n’ont pas beaucoup de ressources pour savoir où chercher un emploi ou comment réussir une entrevue d’embauche, détaille-t-elle.
« Comme ces personnes ont plus de difficulté à avoir accès à l’information, elles sont davantage susceptibles d’être victimes [d’offres d’emplois frauduleuses] », ajoute son collègue Martin Savard, chargé de projet et de partenariat communautaire.
Facteurs connexes
« Ce sont aussi des personnes qui sont très occupées, qui ont déjà beaucoup de choses auxquelles penser » comme la régularisation de leur statut, trouver un logement, une école ou une garderie pour les enfants, rappelle aussi Lucia Florescu.
Une précision loin d’être superflue, puisque l’accès à l’emploi est également déterminé par des facteurs connexes au marché du travail.
La crise du logement affecte par exemple la recherche d’emploi des demandeurs d’asile, explique Martin Savard : à leur arrivée, certaines personnes n’ont accès à un hébergement temporaire que pour une durée d’environ une semaine. Et ensuite ? « Essayez de vous trouver un logement à Montréal en ce moment avec un chèque d’aide sociale », interpelle-t-il.
Sans toit sur la tête, difficile de trouver et de garder un travail. Une situation qui les « pousse aussi à aller chercher des emplois plus précaires, parce que pour avoir un logement il nous faut un emploi », ajoute Lucia Florescu.
Depuis 2018, les demandeurs d’asile n’avaient plus accès aux garderies subventionnées. Un droit rétabli par la Cour d’appel du Québec dans une décision rendue le 7 février 2024. Ainsi, « il y a plusieurs familles monoparentales pour lesquelles ç’a été très difficile de trouver un emploi, puisque [le parent] ne pouvait pas faire garder les enfants », soutient Martin Savard.
Nouvelles perspectives
Lors du Salon de l’emploi des demandeurs d’asile et de l’intégration sociale des personnes demandant l’asile, qui s’est tenu début décembre 2023, la ministre de l’Emploi Kateri Champagne Jourdain annonçait le lancement d’un nouveau projet-pilote, visant l’insertion en emploi de 1 500 demandeurs d’asile dans le domaine de la santé au cours des trois prochaines années. En mai de la même année, un projet-pilote similaire avait été lancé, cette fois dans le secteur du tourisme.
Dans les deux cas, les services d’organismes détenant une expertise en employabilité seront mobilisés. Le CSAI compte parmi ceux qui offrent un accompagnement aux chercheurs d’emploi et aux entreprises participants au projet-pilote l’intégration en emploi de demandeurs d’asile dans les entreprises touristiques, mené par le Comité sectoriel de main-d’œuvre en tourisme (CQRTH).
Des initiatives saluées par les acteurs du milieu associatif, et qui pourrait faciliter l’accès à l’emploi des demandeurs d’asile, tout en contribuant aux besoins en main-d’œuvre des entreprises d’ici.
Photo : Manpreet Singh