Le taux de surqualification chez les travailleurs étrangers était de 42,6 % en 2020, contre 24,9 % pour les personnes nées au Canada, d’après une étude menée par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), à partir des données de Statistique Canada.
Entre pandémie et pénurie de main-d’œuvre, le marché du travail a bien changé depuis 2020. Mais une tendance semble se maintenir : la surqualification des travailleurs immigrants continue de diminuer.
En voie d’amélioration
Longtemps, la logique sous-tendant le système d’immigration était en grande partie basée sur le niveau d’éducation des candidats, contextualise Denis Hamel, vice-président aux politiques de développement de la main-d’œuvre du CPQ. « Résultat : on s’est retrouvé avec des personnes extrêmement éduquées, qui exerçaient des emplois demandant très peu de qualifications ».
Lancé en 2018, le portail Arrima « fait directement le lien entre un candidat et le poste demandé par l’employeur », explique-t-il, avec pour effet de « minimiser l’écart entre la qualification de la personne immigrante et l’emploi qu’il occupe ».
« Dans les catégories d’immigration économiques, il y a de plus en plus de personnes qui deviennent résidents permanents grâce au Programme de l’expérience québécoise », qui vise les travailleurs étrangers et les étudiants internationaux diplômés au Québec, ajoute son collègue Daye Diallo, directeur principal aux politiques de main-d’œuvre et d’intelligence économique au CPQ. Puisqu’ils ont déjà une expérience professionnelle ou académique locale, « il y a un meilleur arrimage » entre compétences et débouchés.
Ce maillage est aussi facilité par Qualifications Québec, guichet unique en matière de reconnaissance des compétences.
Faire changer les mentalités
Une autre amélioration se situe du côté des employeurs. Du fait de la pénurie de main-d’œuvre, note Daye Diallo, ils seraient de plus en plus nombreux à faire « vraiment des efforts pour amener les personnes qu’ils veulent recruter à faire reconnaître leurs diplômes ». Denis Hamel, lui, insiste sur le volet « expérience », rappelant que dans certains pays, l’apprentissage d’un métier peut se faire de manière plus informelle.
« Les employeurs sont de plus en plus conscients que de faire du recrutement auprès d’une entreprise ou d’une université qu’ils connaissent n’est pas la bonne chose [et] qu’il faut plutôt miser sur les qualifications du candidat ou de la candidate », soutient celui qui remarque une réelle « évolution des mentalités », cardinale pour répondre aux besoins du marché du travail.
Car si, selon lui, une personne immigrante qui ne « travaille pas à la hauteur de ses compétences » est « la première pénalisée », les employeurs et la société québécoise dans son ensemble ne sont pas loin derrière.
Le patronat francophone en fait son affaire
Pour continuer à « mettre l’épaule à la roue », le CPQ table sur la question au sein de l’Alliance des patronats francophones, où sont représentés 31 pays, réunis « pour discuter de partenariats qui pourraient faciliter les échanges commerciaux, les investissements entre les pays de la francophonie, et notamment une meilleure circulation de la main-d’œuvre », expose Denis Hamel.
L’Alliance des patronats francophones réfléchit à un système de reconnaissance des qualifications entre employeurs francophones, sur la base d’une sorte de « certificat » attestant de compétences transférables d’une entreprise à l’autre.
Ensemble, ils réfléchissent à un système de reconnaissance des qualifications entre employeurs francophones, sur la base d’une sorte de « certificat » attestant de compétences transférables d’une entreprise à l’autre.
« Si entre patronats on peut arriver à un système de reconnaissance des compétences, ce serait déjà une grande avancée qui permettrait de réduire de nombreux problèmes », s’enthousiasme Daye Diallo. Un tel système pourrait « permettre de contourner toutes les lourdeurs administratives », du moins en attendant que des initiatives similaires soient adoptées au niveau étatique, nuance-t-il.
L’Alliance des patronats francophones espère faire des annonces à ce sujet lors du prochain Sommet de la Francophonie, qui devrait s’ouvrir le 4 octobre 2024, à Villers-Cotterêts, en France.
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