Fidèle à ses habitudes, le milieu communautaire a opté pour la collaboration en matière de régionalisation : regroupés au sein de l’initiative Emplois en région, les organismes PROMIS, INICI et le Collectif des femmes immigrantes du Québec (CFIQ) travaillent main dans la main pour mener à bien le projet d’installation de personnes immigrantes en région.
Nous avons rencontré deux membres du CFIQ, afin de mieux comprendre leur approche de la régionalisation et de l’emploi dans un projet d’installation en région.
Renouveler les imaginaires
C’est à partir des années 1990 que le Collectif, fondé en 1984 pour favoriser la représentativité des femmes immigrantes et leur offrir des services, a commencé à s’intéresser à l’emploi.
Aoura Bizzarri, sa fondatrice et directrice, se souvient avoir dû apprendre à faire la distinction entre l’employabilité en région métropolitaine, et dans le reste de la province. « Dans le volet employabilité, à Montréal, il s’agit vraiment d’une préparation à l’emploi », incluant la mise en place d’un curriculum vitae adapté aux exigences locales, ou encore de la préparation aux entretiens d’embauche. Partout ailleurs, le CFIQ a très vite inclus d’autres cordes à l’arc du programme.
L’organisme offre aujourd’hui des « voyages exploratoires » gratuits, en groupe et parfois individuels, dans le but de faire découvrir les régions aux personnes immigrantes intéressées par un projet de réinstallation. Sur les 900 personnes qui ont participé en 2023, environ 200 auraient par la suite franchi le pas.
Pour Said Fenaoui, responsable du projet régionalisation des immigrants, il est essentiel d’offrir aux personnes déjà installées à Montréal et dans ses environs la possibilité de se rendre sur le terrain. « Il faut changer les perceptions », dit-il, rappelant qu’en fonction du pays natal des participants, ceux-ci peuvent avoir une vision très négative des régions. Lui-même admet qu’au Maroc, d’où il est originaire, la région est souvent synonyme d’absence d’infrastructures.
Renouveler les imaginaires sur la région est donc au cœur de la mission du CFIQ — une démarche dont peuvent s’inspirer les entreprises pour attirer la main-d’œuvre issue de l’immigration dans leurs localités.
Faire communauté
Un autre frein à la régionalisation se trouve dans la difficulté, pour les immigrants installés en région métropolitaine, de quitter leur communauté, d’après Aoura Bizzarri.
« C’est dur de les déraciner de nouveau », reconnaît-elle, soulignant l’importance de ces liens dans un parcours d’immigration. Sur le plan social et parfois matériel, « il y en a qui ont besoin de leur communauté », explique la directrice, sans renoncer à mettre de l’avant que « si tu as traversé l’océan, tu peux bien faire deux ou trois heures de plus », pour aller vivre en région.
S’ils ne peuvent pas remplacer la communauté culturelle, ces organismes, tout comme les entreprises qui embauchent des travailleurs étrangers, peuvent jouer un rôle important dans la socialisation, le soutien et le sentiment d’appartenance.
Le secret pour réussir cette « seconde immigration » : l’accompagnement.
À l’instar des équipes du CFIQ et d’Emploi en région, de nombreux organismes offrent des services et ressources aux nouveaux arrivants pour faciliter leur intégration, du déménagement à la recherche d’un logement, en passant par les inscriptions à l’école et l’employabilité.
Le travail, pilier de l’intégration
« L’objectif d’Emplois en régions est d’autonomiser le participant dans son processus d’intégration au Québec », peut-on lire sur leur site. Et cela passe en bonne partie par l’emploi.
Arrivés comme étudiants ou travailleurs étrangers, les personnes susceptibles de vouloir passer du Grand Montréal aux régions sont déjà, pour beaucoup, familières avec la culture québécoise. Autrefois remises en cause, leurs compétences ne sont plus à prouver. « Je me suis mise à genoux devant les employeurs pour convaincre d’embaucher des immigrants », se souvient Aoura Bizzarri. « Là, ce sont les entreprises qui viennent à genoux chez nous parce qu’elles ont besoin de main-d’œuvre ».
L’ouverture ne fait pas tout : les entreprises doivent se positionner comme ambassadrice de leurs régions.
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