
Depuis l’annonce de leur gel par le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, le 27 novembre 2024, les Journées Québec et leur devenir sont en suspens, même leur retour n’est pas exclu, sans doute « sous une autre forme », en marge de la Planification 2026-2029.
Plusieurs entreprises, en particulier les PME, reposaient jusqu’alors sur ces missions, relativement abordables et surtout très encadrées, pour recruter à l’international de la main-d’œuvre qu’elles peinaient à trouver localement. Pour certaines d’entre elles, le gel des Journées Québec s’est soldé par celui des recrutements internationaux.
Seynabou Sene, fondatrice et directrice générale de Cora International, prêche une autre approche : face à l’instabilité et à l’incertitude qui plane sur l’immigration temporaire, elle invite les entreprises à « être proactives et à trouver des solutions pour les travailleurs, mais aussi pour leurs opérations ».
Se réinventer
À l’image des entreprises et des travailleurs qu’elle accompagne, Cora International a aussi dû s’adapter pour faire face au resserrement de l’immigration temporaire. Tout en continuant d’accompagner les candidats au statut de travailleurs étrangers temporaires dans la recherche d’« un emploi à la hauteur de leurs compétences », la firme aide aussi celles et ceux déjà sur place à se replacer sur le marché du travail, au Québec ou ailleurs au pays, dans le contexte général de resserrement de l’immigration.
« Au niveau des entreprises, on offre un service de cartographie et un plan de continuité », poursuit Seynabou Sene, détaillant un objectif de « visibilité » sur le renouvellement des statuts de leurs employés, mais aussi sur les postes critiques au bon fonctionnement de leurs activités.
Si certaines entreprises vont inévitablement devoir se séparer de certains employés — et pas toujours par choix — elles pourront aussi en profiter pour penser différemment : replacer les travailleurs sur d’autres postes au sein de l’organisation, par exemple, ou bien leur offrir des formations à l’interne pour accompagner les augmentations salariales induites par la hausse du salaire médian de référence dans le PTET.
Attirer malgré l’instabilité
À l’heure où l’instabilité des politiques migratoires fait perdre au Québec une part de son attractivité, « c’est aux entreprises de montrer qu’elles peuvent apporter de la stabilité », estime Seynabou Sene.
« Il faut parfois de l’adversité pour sortir de sa zone de confort, assure-t-elle. Cette instabilité va pousser les entreprises à communiquer plus clairement, à mieux gérer les attentes de leurs travailleurs », croit-elle, convaincue que la transparence peut permettre de rassurer les candidats potentiels à l’immigration.
Pour continuer à être attractive, elle suggère donc aux recruteurs de montrer que « l’entreprise veut et va faire son possible pour garder ses travailleurs », tout en étant honnête sur le fait qu’il est impossible d’avoir le contrôle sur les changements en matière d’immigration.
Alternatives
« Les missions de recrutement demandent de l’expertise, et parfois pas mal de ressources, concède l’experte. Mais il y a toujours la possibilité de le faire de manière organique, en organisant des missions de recrutement privées », assure-t-elle, appelant à faire preuve de créativité.
Faute de ressources pour organiser des missions de recrutement à l’interne, pour participer à celles qui sont organisées par les agences de développement économique, ou pour développer des plateformes de recrutement indépendantes, les plus petites entreprises peuvent faire campagne sur LinkedIn, ou investir dans les ressources humaines pour développer une approche de « sourcing » vers les profils recherchés. Moins coûteuse, cette démarche n’en est pourtant pas moins efficace, surtout si elle est couplée avec l’organisation de webinaires ou la diffusion de capsules vidéo explicatives pour accompagner les candidats.
Pourquoi ne pas aussi jeter un coup d’œil du côté des travailleurs francophones hors Québec, ou des étudiants internationaux détenant un permis de travail post-diplôme ?
« Il y a toujours des solutions », rassure Seynabou Sene. La suspension des Journées Québec « est peut-être un mal pour un bien ».
Seynabou Sene
La situation aux États-Unis contribue certes au flou dans lequel sont plongés les employeurs, mais Seynabou Sene y voit aussi l’opportunité d’explorer un nouveau bassin de main-d’œuvre francophone : les travailleurs issus de l’immigration qui ne souhaitent plus rester chez notre voisin du Sud, tout en restant sur le continent.
C’est peut-être l’occasion pour les entreprises de sortir de s’autonomiser dans leurs démarches de recrutement et d’adopter une approche plus personnalisée pour répondre à leurs besoins et aux attentes de leurs futurs travailleurs.
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