Comme chaque année, le MIFI a mis à jour le 24 février 2022 sa liste des professions spécialisées admissibles au fameux « traitement simplifié ». Cette liste est établie par Emploi-Québec en collaboration avec le MIFI, en tenant compte les besoins de main-d’œuvre de toutes les régions du Québec. Elle permet ensuite d’obtenir une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) et un certificat d’acceptation du Québec (CAQ) avec des particularités propres au Québec.
En 2022, le traitement simplifié fête ses 10 ans, et marque pour l’occasion un nouveau virage. Il va intégrer, dans le cadre d’un projet pilote, une liste de professions peu spécialisées de la catégorie C, dite « postes intermédiaires ». Mais attardons-nous un peu sur ce qu’est le traitement simplifié pour comprendre en quoi il s’agit effectivement d’une démarche « simplifiée ».
Simplifier le processus d’EIMT pour des postes déjà reconnus en pénurie de main-d’œuvre
Le traitement simplifié (TS) ne s’applique que pour les postes à pourvoir au Québec, dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET). La procédure du TS se traduit, pour les entreprises québécoises, par la possibilité de bénéficier de certains avantages sur les professions listées lors de l’analyse du profil du poste, de l’entreprise et du candidat.
Pour nous mettre en situation, prenons un employé dont le permis de travail est assorti à une Évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT). Avant de pouvoir prétendre au permis de travail, son employeur doit obtenir une décision favorable de Service Canada et du MIFI, soit une EIMT et un Certificat d’acceptation du Québec (CAQ). Dans le cadre du TS, qui constitue une variante du processus de demande d’EIMT et de CAQ, les employeurs et les travailleurs étrangers temporaires (TET) peuvent bénéficier de ces souplesses.
Alors en quoi cette démarche est-elle simplifiée ?
Qui dit traitement simplifié ne signifie pas une démarche accélérée, comme le croient ou l’espèrent certaines entreprises. L’intérêt de la procédure est ailleurs.
L’introduction de l’EIMT par le gouvernement fédéral a constitué un changement majeur dans le système d’analyse des demandes de permis de travail. L’évaluation des demandes s’est trouvée basée non plus sur le principe d’un poste spécialisé ou peu spécialisé, comme c’était le cas aux termes du système précédent, mais selon le salaire médian établi par chaque province.
Au Québec, le salaire horaire médian est de 23,08 $ CAN. Par conséquent, tout poste dont le salaire offert est à 23,08 $ CAN et plus bascule dans le volet des hauts salaires et, inversement, les salaires de 23,08 $ CAN et moins versent dans celui des bas salaires. Il faut être prudent, car le salaire médian peut changer chaque année, et il est important de vérifier la mise à jour le cas échéant du barème (vers les mois d’avril-mai).
Le traitement simplifié, aux termes de la mise à jour du 24 février 2022, apporte les avantages suivants (en se basant sur les critères du volet haut salaire) :
- L’employeur est dispensé de démontrer ses efforts de recrutement selon les exigences du PTET. Toutefois, cette dispense ne signifie pas exonération d’affichages, et autres méthodes de recherche d’employés. La différence est qu’il n’est plus tenu d’appliquer les règles strictes de Service Canada, ni de fournir des copies et autres preuves de ses campagnes de recrutement et autres méthodes de recherche au Canada. En soi, ceci représente un net avantage, car que ce soit dans le volet haut salaire ou bas salaire, l’affichage reste obligatoire et avec des règles particulières selon le volet.
- Les postes dont le salaire est inférieur au salaire horaire médian bénéficient des avantages du volet haut salaire. Bien entendu, il faut respecter les procédures du MIFI pour déterminer le salaire à offrir au travailleur étranger temporaire. On rappelle que, pour les postes syndiqués, le taux applicable sera uniquement celui visé par la grille salariale de la convention collective. Pour tous les autres postes, il y aura lieu de se référer au Guide des salaires par professions présentés par intervalles selon les quartiles au Québec. Attention, nous sommes à la version 2021 et cela peut avoir un impact sur l’EIMT.
- Les EIMT peuvent être autorisées pour une durée maximale de 36 mois sur justificatif et après analyse de l’agent. C’est une particularité dont bénéficie le volet haut salaire, par rapport au bas salaire.
- Les postes ne sont pas assujettis au seuil de TET par lieu de travail de 10 % ou 20 %, selon le code SCIAN des activités de l’employeur, comme ils le seraient dans le volet bas salaire.
- Aucune obligation n’est faite à l’employeur de prendre en charge les frais de voyage, ni la couverture d’assurance maladie pendant la période de carence imposée par la RAMQ, ni non plus l’assistance pour la recherche de logement. Bien entendu, chaque entreprise a sa politique de mobilité internationale, mais il arrive encore qu’un TET soit totalement indépendant et ait organisé autant son arrivée que son installation et ne nécessite aucune aide de la part de son employeur. Toutefois, n’étant pas le cas de la majorité des TET, ce point va subir quelques changements majeurs d’ici fin mai 2022, que nous allons comprendre maintenant.
C’est ainsi que, au cours des 10 années passées, la liste s’est étoffée pour passer de 44 à 228 professions spécialisées. Le gouvernement a tenté de la régionaliser, l’espace d’une année, avant de s’apercevoir que cette mesure pénalisait en réalité les régions, en les cantonnant aux professions en demande sur leur territoire. Elle est donc vite revenue à sa forme unique.
Le traitement simplifié en 2022 : bonifié, mais également protégé
La pénurie de main-d’œuvre les postes spécialisés autant que tous les postes à pourvoir, particulièrement les postes intermédiaires, les gouvernements fédéral et provincial ont décidé de mettre en place des mesures destinées à apporter davantage encore de flexibilité.
Une de ces mesures est d’intégrer 65 postes de catégorie C à la liste du traitement simplifié. La nouvelle avait été évoquée dès le mois d’août 2021, et tous les employeurs attendaient la mise en route du projet. C’est chose faite depuis le 1er avril 2022. En revanche, le traitement simplifié subira un changement majeur : il va concerner les postes aussi bien peu spécialisés que spécialisés, dès lors que le salaire peut être considéré comme « bas », en temps normal.
Voyons ces mesures de protection des travailleurs :
- Prise en charge par l’employeur des frais de transport aller-retour des TET pour leur permettre de se rendre sur leur lieu de travail au Canada à leur arrivée, et le retour dans leur pays de résidence à la fin de la période d’emploi (ce qui ne veut pas dire que l’employeur doit payer obligatoirement les dépenses de déplacement journalier travail-domicile) ;
- Faciliter l’accès à un logement convenable et abordable, ou leur en fournir un (ce qui ne veut pas dire que le logement est mis gratuitement à disposition, loyer payé par l’employeur) ;
- Inscription à la RAMQ et prise en charge par l’employeur de la période de carence avec une assurance maladie privée ou jusqu’à ce que le régime public admette le TET.
Veillez à conserver toutes les preuves de prise en charge de ces frais lors de contrôles de conformité par le service d’enquête, intégrité de Service Canada.
Ce projet pilote sera mis en place le 24 mai 2022 et restera en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023. Par la suite, il sera révisé selon les résultats qu’il aura obtenus. De même, bien que ces changements n’affectent pas les EIMT déjà émises ou en cours, toute nouvelle demande lors de prorogation de permis de travail par la suite et nécessitant une EIMT/CAQ sera traitée au regard de la nouvelle liste du traitement simplifié, le cas échéant.
Concrètement, que signifient ces changements ?
Certes, le fondement et l’esprit du traitement simplifié demeurent inchangés, la mise en place de certaines conditions applicables également au volet des bas salaires rend la procédure « hybride ». On arrive à un traitement simplifié que nous appellerions plutôt « traitement combiné ».
Voici quelques exemples concrets qui illustrent ce qui se passera lors des recrutements de vos TET.
- Si vous recrutez des soudeurs (poste spécialisé) et que leur salaire est de 22 $ CAN de l’heure et que vous aviez pour habitude de leur avancer les frais des billets d’avion, en déduisant par la suite sur les salaires, vous ne pourrez plus les faire. La rémunération étant inférieure au salaire horaire médian de 23,08 $ CAN, vous devrez appliquer la nouvelle règle et respecter vos obligations.
- Si vous recrutez des chauffeurs de camion et que le salaire est 25 $ CAN de l’heure pour Jean et 23 $ CAN pour Paul, vous n’avez pas d’obligation pour Jean mais pour Paul, il faudra soit augmenter son salaire et dépasser les 23,08 CAN, ou prendre en charge l’intégralité des obligations de voyage, assurance, etc.
Cela dit, il faut être réaliste. Beaucoup d’employeurs, quelle que soit la forme d’EIMT, prennent déjà à charge les frais de voyage, apportent du soutien concret lors de l’installation et de la recherche de logement (surtout actuellement, car la pénurie touche autant la main-d’œuvre que le logement).
Ces éléments pris en charge par les employeurs apportent de la stabilité au bénéfice des employés, autant que des employeurs. Ces mesures sont destinées à protéger les salariés. Les employeurs responsables sont très sensibilisés.
Comment se préparer à l’application de nouvelles règles
Tirer les épingles du jeu offert par ces mesures va nécessité une bonne connaissance des distinctions entre les postes
- à haut salaire et bas salaire, ou encore
- spécialisés et peu spécialisés.
Placez au milieu la nouvelle donne apportée par le traitement simplifié, et vous aurez toutes les chances de votre côté.
Pourrons-nous espérer que les postes en catégorie intermédiaire figurant sur la liste du traitement simplifié puissent, à terme, être intégrés également le Programme de l’expérience québécoise (PEQ) ? Ce sera un autre sujet à discuter.