De plus en plus d’entreprises québécoises se tournent vers le recrutement international. Pour faire face à la rareté de main-d’œuvre, recruter dans les autres provinces du Canada serait-il aussi une option envisageable ?
Alors que de plus en plus d’entreprises québécoises n’hésitent plus à partir recruter des travailleurs en zones allophones, comme dans les Philippines ou en Amérique latine, on peut s’interroger sur l’absence relative sinon d’engouement, au moins d’intentions claires sur une stratégie beaucoup plus locale : le recrutement de travailleurs canadiens résidant en dehors du Québec. Au Québec, des précédents existent.
Lancée en 2015, la campagne 1000raisons.quebec visait à attirer dans la Capitale-Nationale des travailleurs et des entrepreneurs québécois ou francophones installés à l’extérieur de la province ou du pays. Bien que l’initiative ait été abandonnée lorsque Sam Hamad quitte la politique, en 2016, l’ex-ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale et ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, porteur du projet à l’époque, croit toujours qu’il s’agit d’« une bonne opportunité » pour le développement économique de la province.
Avantages
À l’époque, « j’ai constaté que la qualité de vie n’était pas forcément la même [ailleurs au Canada] qu’au Québec. Le Québec est particulièrement agréable en termes de prix de maisons, de travail, d’exigences », se souvient-il.
« L’idée est toujours bonne aujourd’hui », croit Sam Hamad, désormais vice-président principal au sein de l’entreprise de services immobiliers Globatech. Selon lui, le fait que les salaires soient moins élevés au Québec que dans la plupart des autres provinces n’est pas un frein à l’attraction de travailleurs : « Quand ils viennent au Québec, peut-être qu’ils accepteront d’avoir [de moins grands salaires], mais avec une qualité de vie, et aujourd’hui les gens ont plus tendance à penser à la qualité de vie ».
Même s’il reconnaît que les travailleurs internationaux peuvent être attirés pour les mêmes raisons, il souligne la complexité et le coût des démarches migratoires, mais aussi de l’intégration, que doivent partiellement assumer les employeurs.
« Par contre quand vous allez chercher un Québécois qui est à l’extérieur — majoritairement, on pense à des gens bien placés, qui ont leur carrière, etc. —, c’est plus facile. Ils reviennent, ils s’installent avec les compagnies ici, et on ramène au Québec les richesses qu’on avait perdues », soutient-il.
Un contexte défavorable
Giomny H. Ruiz s’est, lui aussi, rendu compte que la main-d’œuvre se faisait rare dans les régions du Québec bien avant la pandémie de COVID-19.
Le vice-président chez Solution Immigration International et Solution Recrutement International croit cependant que l’option du recrutement de Québécois ou de francophones hors Québec est loin d’être la voie facile.
« Premièrement, il y a la question de la langue, le français, dit-il. Trouver des francophones dans d’autres provinces, c’est déjà extrêmement difficile du point de vue statistique [puisqu’] ils sont en minorité ».
Il rappelle aussi qu’« il y a un marché de pénurie de main-d’œuvre qui s’est établi, et les travailleurs canadiens dans d’autres provinces sont aussi dans une position avantageuse, parce que le marché c’est un marché d’employé ». Bref, que les travailleurs ayant le potentiel d’intéresser les employeurs québécois ne seront pas attirés par les salaires plus bas, comme ceux offerts au Québec.
De plus, si les travailleurs peuvent trouver un emploi dans leur région, ils choisiront de rester près de leurs familles et de leurs repères, explique-t-il. « C’est pour ça que la mobilité entre les provinces du Canada est en forte diminution depuis la pandémie, et depuis que la réactivation de l’économie s’est mise en place », précise-t-il.
Régionalisation
Sur la question de la régionalisation, Giomny H. Ruiz affirme qu’« il y a très peu d’efforts qui ont réussi à faire venir des travailleurs francophones d’autres provinces pour s’établir en région », mais reconnaît aussi certaines victoires : « Là où j’ai vu plus de réussite, c’est quand on va chercher un travailleur hyper spécialisé avec un salaire conforme à ces exigences-là ».
Le choix du recrutement international demeure, selon lui, la meilleure option.
Sam Hamad soutient quant à lui que les personnes originaires du Québec et qui en connaissent les régions auront plus de faciliter à s’y projeter, tandis que les travailleurs issus de l’immigration auront plus tendance à rester à Montréal.
Pour lui, les employeurs comme le gouvernement ont intérêts à promouvoir l’attractivité des travailleurs francophones et québécois des autres provinces du pays. « Ramener du monde avec de bons salaires au Québec, je pense que c’est gagnant ».
Photo : Brayden Law