
Lorsqu’il s’installe au Québec, en 1983, Jaime Baquero peine à trouver un emploi dans son domaine. « Qu’est-ce que peut bien faire un biologiste de la vie marine à Gatineau ? », ironise-t-il avec du recul.
La réponse, il la trouve dans l’entrepreneuriat. Débute son aventure avec les aquariums marins de récifs coralliens, une activité inédite dans la région.
À l’approche de la retraite, celui qui est aujourd’hui directeur général du RAEM espère « redonner à la société », grâce à son engagement auprès d’un organisme à but non lucratif (OBNL) « par des entrepreneurs issus de la diversité, pour des entrepreneurs issus de la diversité ».
L’intégration économique au service de l’intégration sociale
Afin de « repérer, orienter, faire rayonner et faciliter l’intégration des nouveaux arrivants au potentiel entrepreneurial », le RAEM offre un accompagnement personnalisé, et organise entre autres des activités de réseautage. L’absence de réseau figure parmi les défis que rencontrent les entrepreneurs immigrants, tout comme la méconnaissance des ressources disponibles, de la culture entrepreneuriale ou les difficultés d’accès au financement. Au Canada, la proportion d’entrepreneurs immigrants est pourtant plus importante que ceux nés au pays, d’après les données du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie.
En dépit de l’importance du phénomène, il a fallu un peu de temps au RAEM pour trouver sa place au sein de « l’écosystème entrepreneurial solide » de Gatineau, raconte Jaime Baquero.
« Au début, les gens ne voyaient pas la différence entre les entrepreneurs immigrants et natifs »
Jaime Baquero
n’a jamais cessé de faire de la pédagogie sur les enjeux de communication interculturelle, et sur les obstacles auxquels peuvent être confrontées les personnes immigrantes dans leur parcours entrepreneurial.
De la persévérance, il en faut aussi en affaires. Tout comme de l’audace. Mais, pour se lancer de façon sécuritaire, « la première chose est de valider son idée d’affaires, et de bien s’entourer, conseille Jaime Baquero. Il est aussi important d’apprendre à se servir des ressources disponibles » — à commencer par les organismes locaux et régionaux, comme le Service Intégration Travailleurs Outaouais (SITO) ou Accueil-Parrainage Outaouais (APO).
Le directeur cite aussi le Groupe 3737, qui propose notamment des services gratuits de soutien entrepreneurial, allant d’ateliers au coaching personnalisé.
Apprendre à naviguer, malgré l’instabilité
« Évidemment, je vois des entrepreneurs issus de la diversité qui ont du mal à trouver de la main-d’œuvre, d’autant plus qu’ils vont avoir tendance à engager des personnes issues de l’immigration aussi ».
Jaime Baquero
À Gatineau, la rareté de main-d’œuvre est également compliquée par l’emplacement géographique de la ville, soutient Jaime Baquero, située à quelques minutes d’Ottawa : certains résidents choisissent de travailler en Ontario, attirés par des salaires plus intéressants.
Que ce soit les tarifs douaniers, l’instabilité des politiques migratoires ou les problèmes de rétention de main-d’œuvre, le directeur du RAEM ne se fait pas de mauvais sang sur l’avenir de l’entrepreneuriat immigrant. « Les gens qui ont immigré ont fait face à des situations tellement compliquées […] que des enjeux comme ça, ils peuvent les surmonter », assure-t-il, en mettant « toute leur énergie dans leur projet d’affaires ».
La réussite et la détermination en affaires des nouveaux arrivants, « il ne faut pas les tenir pour acquises », met-il cependant en garde. Au contraire, il invite tout l’écosystème entrepreneurial à « les nourrir avec toutes sortes de ressources, de formations, pour les aider à s’épanouir — et favoriser l’épanouissement de l’économie locale », malgré les temps difficiles.
Photo : Gaana Srinivas