Depuis le 19 avril 2023, plus de 150 000 fonctionnaires du service civil fédéral sont en grève. Les représentants de deux syndicats, l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) et le Syndicat des employés de l’impôt (SEI) sont en négociation depuis 2021 avec le Sécrétariat du Conseil du Trésor (SCT) concernant, entre autres, l’augmentation des salaires et la gestion du télétravail. La grève, la première de cette magnitude depuis 1991, se poursuit et pourrait avoir des conséquences sur la gestion des dossiers d’immigration.
En pratique, les services de tous les ministères et agences du gouvernement, y compris Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), l’Agence du revenu du Canada (ARC), Service Canada et Passeport Canada, sont à l’arrêt. Seuls certains services jugés essentiels — par exemple, la production des passeports pour des personnes qui doivent voyager pour des motifs de travail, de santé ou humanitaires — sont maintenus. Les lignes d’aide téléphonique des agences gouvernementales, au même titre que les services aux postes frontaliers fonctionnent au ralenti.
« Nous avons travaillé jour et nuit depuis un an et demi pour réduire le backlog [d’applications non traitées engendrées par la pandémie et la pénurie de main-d’œuvre des deux dernières années], » s’est désolé en conférence de presse le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser. « Nous étions très proches de pouvoir rétablir les standards de service d’avant la pandémie, et dans certains secteurs, nous les avons rétablis. [La grève] aura un impact sur ces gains. »
Les aspirants citoyens qui ont rendez-vous dans les prochains jours pour un examen ou une cérémonie de prestation de serment, dont certains attendent depuis plusieurs années en raison des délais causés par la pandémie, devront de nouveau s’armer de patience. « Les clients qui ont des rendez-vous seront contactés pour reporter ou annuler leur rendez-vous, » a déclaré le ministre Fraser. Ceux qui attendent un premier passeport doivent, dans la plupart des cas, attendre la fin de la grève.
Les demandeurs d’asile qui ont une audience dans les prochains jours risquent de voir
l’audience reportée, mentionne Me Perla Abou-Jaoudé, avocate en immigration. « Toutes les audiences sont reportées sauf celles où il est question de détention ou d’enquête. »
« On ne met bien sûr pas en question le droit de grève, mais [nous avons des] clients qui sont inquiets. Quelques jours ne feront pas une grande différence, mais si la grève se prolonge… l’incertitude met [nos clients] dans une situation de vulnérabilité extrême, » dit-elle.
Elle et sa collègue, Me Stéphanie Valois, conseillent à leurs clients de se présenter pour leurs rendez-vous au lieu et à l’heure prévus, à moins d’avoir reçu un avis écrit clair de remise administrative. « On essaye de s’informer à l’avance pour éviter que [nos clients] se présentent en cour pour rien, mais ce n’est pas très clair en ce moment, » dit Me Valois, présidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit d’immigration, tout en insistant sur le droit de grève des grévistes.
Les bureaux canadiens de visa à l’étranger demeurent ouverts et pleinement fonctionnels, mais la grève pourrait occasionner des délais dans l’octroi des permis de travail ou d’études ou des cartes de résidence permanente.
Les personnes qui sont au Canada et attendent actuellement leur résidence permanente ou le renouvellement d’un permis de travail ou d’études doivent aussi s’armer de patience. Ils doivent toutefois s’assurer que l’application est complétée et soumise en ligne avant la date d’expiration de leur permis précédent, rappelle Dory Jade, président de l’Association canadienne des conseillers professionnels en immigration. Les portails d’application en ligne acceptent toujours des demandes malgré la grève. « Assurez-vous, avec votre représentant, de soumettre vos demandes à temps ! »
Pour l’instant, il conseille aux employeurs qui dépendent des travailleurs étrangers temporaires de s’assurer que leurs demandes de prolongation de permis sont soumises dans les délais, afin qu’ils puissent bénéficier d’un statut implicite. Les effets d’une grève prolongée sur les employeurs, les travailleurs, les institutions d’éducation et les étudiants étrangers restent à préciser, selon M. Jade.
Photo : Jason Hafso