À travers la sensibilisation, la représentation et la volonté de faire communauté, Helem Montréal et ses bénévoles contribuent à mieux représenter les personnes LGBTQIA+ issues de l’immigration.
Comme son nom l’indique en arabe, Helem est né d’un « rêve » : celui de voir les membres de la communauté LGBTQIA+ s’épanouir au Canada. Fondé en 2004 à Montréal, l’organisme s’est d’abord inspiré de son homologue libanais. Ainsi, il vise d’abord à venir en aide aux personnes LGBTQIA+ originaires du Liban, puis s’élargit par la suite aux communautés nord-africaines et moyen-orientales. S’il s’agit de communautés historiques, les membres de Helem précisent qu’ils ne refusent des services à personne en fonction de leur origine.
De la minorité à la majorité
Mais l’évolution des communautés servies n’est pas la seule qu’a connue l’organisme. Auparavant, celui-ci se concentrait principalement sur l’accompagnement des demandeurs d’asile dans leurs démarches. En vertu de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951, les personnes LGBTQIA+ peuvent en effet obtenir l’asile au Canada, si elles prouvent qu’elles font face à un risque de persécution dans leur pays d’origine, au motif de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
« Il y a dix-huit ans, les services offerts dans le pays n’étaient pas les mêmes que ce qu’on a maintenant, il n’y avait pas autant de soutien », soutient Ray Kazan, membre du conseil d’administration de Helem Montréal. Si l’organisme, qui a cette année « atteint la majorité », avait une approche beaucoup plus militante à ses débuts, Ray Kazan explique qu’il a fallu « ajust[er] l’offre pour ne pas avoir une duplication avec les services qui sont déjà disponibles pour la communauté ».
Par manque de ressources, explique quant à elle Samya Lemrini, l’organisme sert désormais de « service de première ligne », et ses bénévoles redirigent les gens qui les contactent vers les ressources appropriées, que ce soit pour de l’accompagnement juridique, administratif, pour faciliter leur intégration à l’emploi ou leur francisation. « Parfois, le simple fait de s’adresser à nous en premier les sécurise », poursuit-elle.
Faire communauté
Helem propose principalement des événements sociaux et culturels, dans le but d’offrir un espace de rencontres et de partage à la communauté LGBTQIA+ arabophone. Tous les premiers dimanches du mois, par exemple, ils ouvrent les portes du Centre communautaire LGBTQ+ de Montréal (CCGLM) à toutes les personnes qui souhaitent échanger avec des membres de leur communauté, peu importe leur âge ou leur parcours.
Que les personnes soient venues s’installer au Canada pour fuir la discrimination dans leur pays d’origine, seules ou avec leur famille, le sentiment d’appartenance à la communauté est important pour « se sentir légitime dans son identité sexuelle ou de genre », affirme Samya Lemrini.
En fonction du parcours, les besoins sont toutefois différents : les nouveaux arrivants font face à des défis liés à l’intégration linguistique, sociale et professionnelle, tandis que pour les personnes ayant grandi ici de parents immigrants, « le travail est beaucoup plus au niveau de l’identité, culturelle plus spécifiquement », selon Ray Kazan. Il explique que même si une famille issue de l’immigration s’est intégrée à la société québécoise et à sa tolérance des personnes LGBTQIA+, certains éléments culturels ou religieux peuvent encore affecter leur perception.
Samya Lemrini, qui a grandi à Trois-Rivières, se souvient par exemple de sa première Marche des fiertés à Montréal. Elle raconte le choc en apercevant, flottant parmi les centaines de drapeaux arc-en-ciel, celui portant les couleurs du Maroc, de son pays d’origine.
Malgré la tempête
Si les personnes queer arabe peuvent vivre leur identité au Canada sans risquer l’emprisonnement ou la peine de mort, Samya Lemrini croit que certains stigmas et traumatismes traversent les frontières.
Ce fut le cas de Sarah Hegazi, qui s’est enlevé la vie le 14 juin 2020, à Toronto. Militante féministe et lesbienne, elle obtient l’asile au Canada après avoir été emprisonnée et torturée en Égypte. Elle avait été arrêtée avec plusieurs dizaines de personnes pour avoir brandi un drapeau arc-en-ciel lors d’un concert du groupe libanais Mashrou’ Leila, dont le chanteur est ouvertement homosexuel.
Comme en témoigne Samya Lemrini, la mort de Sarah Hegazi a entraîné une onde de choc dans le monde arabe et au sein des différentes diasporas : « ça a été absolument traumatisant, dit-elle, mais je pense que c’est un événement qui nous a tous rapprochés en tant que communauté ici, au Canada ».
Un événement qui pose aussi la question du suivi psychologique disponible pour les réfugiés au pays. Comme pour les citoyens canadiens, les services psychosociaux sont rarement couverts et, depuis la pandémie, longue est l’attente pour consulter un psychologue. Mais les besoins ne diminuent pas pour autant. « Que ce soit des réfugiés ou des immigrants, ce sont des personnes qui viennent avec un bagage émotionnel qui est assez intense quand ils quittent leur pays. Il y a le déracinement, mais il y a aussi énormément de traumatismes qui découlent de situations qu’ils ont pu vivre dans leur propre pays. Il y a un travail qui est extrêmement important, au niveau de l’intégration sociale et professionnelle, pour que ces personnes puissent continuer, ou plutôt recommencer leur vie de façon saine », soutient Ray Kazan.
Pour Samya Lemrini, une partie de la solution se trouve auprès d’organismes communautaires, dont Helem. « C’est ça qui nous pousse à continuer, à être présents et à nourrir ce sentiment de communauté, parce que si on n’a pas d’autres gens avec qui se sentir légitime d’être soi-même, on s’éteint un peu », affirme-t-elle. « C’est ce qui est arrivé avec Sarah Hegazi. Elle s’est éteinte. »