
Qu’ont à nous apprendre les acteurs de l’immigration francophone ailleurs au Canada ? Premier arrêt chez nos voisins ontariens, dans la région du Grand Toronto.
En 2022, l’Ontario a atteint sa cible de 5 % d’immigration francophone pour la première fois depuis sa mise en œuvre en 2015, selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).
Près du tiers des francophones originaires de l’étranger sont installés à Toronto (32,7 %), d’après les données du Réseau en immigration francophone du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario.
C’est justement dans la métropole qu’œuvre le Centre francophone du Grand Toronto (CFGT), avec plus de 20 ans d’expérience dans l’accueil et l’accompagnement des nouveaux arrivants et des immigrants d’expression française.
Un « continuum » de services
Entre 2 500 et 3 000 nouveaux arrivants détenteurs de la résidence permanente sont accueillis chaque année à l’aéroport international Pearson Toronto par les équipes du CFGT. Des services « d’accueil et d’aiguillage » leur sont offerts dès l’arrivée, qu’ils décident ou non de poser leurs valises en Ontario, explique Aissa Nauthoo, vice-présidente à l’aide juridique, l’emploi et l’établissement.
Depuis juillet 2023, une équipe de sept personnes a été mobilisée pour « préparer virtuellement à la vie au Canada » les personnes qui voient leur arrivée approcher. « Le but est vraiment de les renseigner afin qu’une fois arrivés au Canada ce ne soit pas le choc culturel total », éclaire-t-elle.
À ceux qui choisissent le Grand Toronto, le CFGT propose par la suite des conseils relatifs à l’emploi, au système scolaire, à la reconnaissance des diplômes étrangers ou encore à l’apprentissage de la langue. La prédominance de l’anglais dans la province peut effectivement faire peur aux immigrants francophones et les pousser à s’établir au Québec, faute d’information sur l’offre de cours — ou sans le soutien de la communauté d’organismes et d’experts rassemblée autour du Centre francophone du Grand Toronto.
Si leur mandat, accordé par IRCC, vise spécifiquement les détenteurs de la résidence permanente, la province de l’Ontario finance par ailleurs des programmes destinés aux étudiants internationaux, aux travailleurs étrangers temporaires et aux titulaires d’un Permis Vacances-Travail.
Pratiques innovantes
« Une de nos meilleures pratiques est le complément numérique », s’enorgueillit Aissa Nauthoo, passionnée par l’immigration francophone : il s’agit d’un outil permettant au nouvel arrivant d’être connecté directement, en quelques clics, aux fournisseurs de services en français dans sa ville de destination.
Ce complément numérique a été développé en 2020, en réponse aux résultats d’un sondage réalisé auprès de leurs bénéficiaires, selon lequel « il y avait plus de 42 % des personnes qui, malgré avoir reçu la trousse d’information en français à l’aéroport, n’avait pas contacté un service d’établissement, donc n’avait pas reçu de services en français », rapporte Aissa Nauthoo.
En inscrivant simplement leurs coordonnées via le complément numérique, ils peuvent désormais être contactés directement par des acteurs de proximité, susceptibles de les aider dans leur établissement et, ultimement, leur intégration.
Le programme de connexion communautaire aspire quant à lui à briser l’isolement des nouveaux arrivants francophones et leur proposant des activités et des sorties, afin d’éviter qu’ils « ne se sentent isolés socialement », poursuit-elle.
Deux manières de créer du lien, des contacts, et un réseau de soutien social et professionnel. Une composante particulièrement nécessaire pour vaincre « l’assimilation » auxquels la minorité d’immigrants francophones sont sujets dans les provinces à majorité anglophones du pays.
Question d’avenir
« Les immigrants francophones, où qu’ils décident de s’établir, ont besoin d’un espace où ils peuvent s’exprimer en français », rappelle la vice-présidente à l’aide juridique, l’emploi et l’établissement.
Une évidence ? Pas forcément, croit Aissa Nauthoo. « On parle toujours de l’offre active de services en français, mais on a aussi besoin d’une demande de services en français » pour que les gouvernements poursuivent leurs efforts pour encourager l’immigration francophone hors Québec.
Elle rappelle que « c’est un dossier qui va prendre beaucoup d’ampleur dans les prochaines années », aux vues de la baisse démographique des francophones au Canada.
Photo : Nick Hillier