Pour les ingénieurs formés à l’étranger, faire reconnaître leurs acquis est tout un défi — qu’il n’est pas impossible de relever.
La province aura besoin de 52 000 professionnels en génie pour répondre à ces besoins des dix prochaines années, révélait une étude de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ), à l’automne 2023.
Pourtant, pour les ingénieurs immigrants, obtenir la reconnaissance de leurs diplômes et de leur expérience professionnelle relève encore du parcours du combattant.
Mais depuis 2018, l’OIQ a développé une approche plus personnalisée, afin de mieux accompagner chaque candidat à la profession d’ingénieur issu de l’immigration dans son projet professionnel au Québec.
Une approche mieux adaptée
« Avant, on avait une approche plus standardisée », se souvient Kalina Bacher-René, directrice Accès à la profession pour l’OIQ. Aujourd’hui, l’Ordre prend en compte la « globalité du parcours des professionnels formés à l’étranger (PFÉ) », et adapte son offre de formation en fonction des lacunes de chacun face aux exigences de la profession, très régulée au Québec.
Pour certains, rassembler le dossier prouvant leur formation et/ou leur expérience sur le marché du travail est tout un défi. Dans plusieurs pays, « c’est plus difficile d’avoir des documents d’identité, des certificats de naissance ou des diplômes ou autres », explique Kalina Bacher-René. « Surtout s’ils sont déjà arrivés ici » et doivent obtenir ces documents à distance, précise-t-elle.
Les ressortissants de certains pays bénéficient cependant de parcours facilités par des accords de reconnaissance mutuelle, accords existant notamment avec la France et les pays signataires de l’Accord de Washington. Dans le cas des PFÉ n’étant pas concernés par ces ententes, « nous avons besoin d’authentifier les diplômes, de faire la conversion des crédits internationaux en crédits canadiens pour déterminer l’équivalent de formation qu’ils ont », explique-t-elle. Un système à deux vitesses, au sein duquel ces derniers mettent beaucoup plus de temps et d’argent pour obtenir leurs équivalences.
Une fois que le nouvel arrivant a obtenu l’équivalence partielle ou totale de sa formation vient le programme de candidat à la profession d’ingénieur (CPI), d’une durée d’environ deux ans, puis l’examen professionnel — des étapes à traverser pour tous les ingénieurs en devenir, qu’ils soient immigrants ou non. La différence majeure relève alors, pour les candidats immigrants, à la maîtrise de la langue française au niveau exigé par l’Office québécois de la langue française (OQLF).
Derrière le système à deux vitesses
« Il faut comprendre que le génie n’est pas régulé partout à travers le monde […] donc il n’y a pas beaucoup d’ordres professionnels en génie. Il y a ça aussi qui complexifie un peu le développement d’ententes », estime Kalina Bacher-René. Cela entraîne, d’après elle, une « incompréhension » de la part de nombreuses personnes : ingénieurs dans leurs pays d’émigration, ils trouvent le processus « long et ardu » une fois arrivé au Québec, sans savoir que « le génie n’est pas un titre réservé dans leur pays, contrairement à ici ». À l’inverse, « s’il y a une structure qui ressemble à la nôtre, on peut leur faire confiance », facilitant d’entrée de jeu la reconnaissance des acquis, explique-t-elle.
La directrice Accès à la profession rappelle par ailleurs que les Accords de reconnaissance mutuelle (ARM) se font entre les États ou les provinces, non pas entre les ordres, et dépendent donc surtout d’une « volonté politique ». La mobilité internationale entre les pays francophones ou francotropes est par exemple favorisée.
Lorsqu’un ARM ne peut être développé, l’OIQ prend à charge, à l’interne, d’analyser les données qu’ils détiennent sur les formations et compétences de ressortissants de pays spécifiques et, « si on a assez de données, on va se demander si on est capable de créer un chemin qui est facilitant pour ces personnes-là », affirme Kalina Bacher-René.
« C’est bon pour eux, c’est bon nous, c’est bon pour le Québec. Alors on a toujours un avantage à faciliter [leur parcours d’accession à la profession], tout en protégeant le public », soutient-elle.
La collaboration au service de l’intégration
Toujours dans l’optique de faciliter l’accès à la profession, l’OIQ offre des séances d’informations en ligne aux professionnels désireux de s’installer au Québec.
L’Ordre collabore aussi avec les universités, les chambres de commerce, les organismes communautaires, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) ou encore celui des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF), « pour créer un filet de sécurité pour ces personnes-là » et arrimer leurs processus, notamment avec le reste du Canada.
« Notre principale fonction c’est de délivrer des permis, pas de trouver un emploi. Mais si on peut collaborer tout le monde ensemble, multiplier les initiatives […] ça va permettre de pouvoir intégrer de façon plus douce et fluide la nouvelle profession qu’ils veulent intégrer au Québec », croit Kalina Bacher-René.
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