L’année 2020 aura été incontestablement difficile pour les entreprises du Québec. L’organisme à but non lucratif Humanovis, qui soufflait sa vingtième bougie cette année, se distingue pour son engagement en direction des travailleurs issus de la diversité.
Finaliste du prix Maurice Pollack 2020, Humanovis se donne pour mission « d’initier et d’accompagner des projets porteurs d’innovation sociale afin d’en maximiser l’impact, [de] renforcer les capacités d’intervention et [de] faciliter l’action collective ». Sa petite équipe, qui compte une dizaine de personnes, est composée à majorité de personnes immigrantes ou issues de la diversité ethnoculturelle.
C’est lors de la restructuration de l’organisme, il y a cinq ans, que le conseil d’administration a « fait le choix de la diversité », nous confie Marie-Claude Lagacé, présidente et directrice générale de l’organisme, financé par le ministère de l’Économie et de l’Innovation.
Quand la diversité rencontre l’expérience
Depuis 2019, les projets pris en charge par Humanovis interrogent quatre grands facteurs et transformation, entre :
- les genres,
- les générations,
- la majorité et les minorités, et
- l’humain et le non-humain.
« Vous l’entendez dans notre mission, la diversité », commente Mme Lagacé, pour qui le fait d’avoir une équipe hétéroclite est une grande richesse. Elle explique que « par définition, l’innovation sociale est une réponse collective à des enjeux qui sont complexes. Qui dit réponse collective, dit que ça prend plusieurs façons de voir une problématique », soutient celle qui, à compétences égales, tend à prioriser les candidatures qui ne sont pas déjà représentées dans leurs bureaux.
« On reçoit des CV de gens qui sont super qualifiés, mais ils travaillent chez Métro ou chez Canadian Tire parce qu’ils n’arrivent pas à trouver des emplois dans leur domaine » se désole Mme Lagacé, qui a fait le pari de leur donner une chance.
Défis
Même s’il s’agit de son « arme secrète », l’embauche de personnes immigrantes et issues de la diversité ethnoculturelle peut tout de même représenter un défi pour Humanovis.
Lorsqu’elle passe par des agences de placement pour compléter son équipe, la direction de l’organisme doit racheter le contrat des employés qu’elle veut conserver, une fois arrivés à échéance de leur premier mandat. Des problèmes se posent également quand vient le temps du renouvellement des visas de certains de leurs employés. Mais « il y a peu de vrais défis », admet Mme Lagacé. Elle concède néanmoins que, malgré leurs bonnes intentions, certaines petites ou moyennes entreprises (PME) n’ont tout simplement pas le temps ou les moyens d’investir dans un plan d’intégration pour les travailleurs immigrants.
En espérant pallier ces difficultés, Humanovis fait campagne auprès du ministère de l’Économie et de l’Innovation pour que ces questions soient prises en compte dans sa prochaine stratégie d’innovation, en cours de préparation.
L’art d’attirer
Dans les deux dernières années, le nombre de candidatures spontanées a considérablement augmenté, affirme la PDG, qui attribue la popularité de l’organisme à la réputation d’ouverture qui le précède.
« J’avoue que ça a joué dans le fait de déposer ma candidature », nous confirme Selma Tannouche-Bennani, chargée de projets chez Humanovis depuis janvier 2020.
Titulaire d’un doctorat à l’Université de Sherbrooke, elle admet ne pas avoir ressenti de discrimination à l’emploi. « [Avec Humanovis] j’ai senti l’inverse, dit Mme Tannouche-Bennani, c’est-à-dire que je n’avais pas du tout l’étiquette d’immigrante en faisant mon entrevue. J’étais entièrement moi dans toute ma complexité, je n’étais pas juste une femme marocaine », se réjouit celle qui est installée au Québec depuis 2013 et dirige chez Humanovis le projet Équiliste.
« D’ici à quelques années, un milieu de travail idéal ne devrait même pas se poser la question de la diversité », soutient quant à elle Marie-Claude Lagacé, pour qui « l’on voit des différences là où on n’a pas besoin d’en voir ». Au contraire, l’expérience de Mme Tannouche-Bennani confirme que le fait de travailler dans un environnement inclusif comme Humanovis a un impact positif sur sa productivité.
Épargnée par les commentaires intrusifs, elle est plus à même de se concentrer sur son travail. « On ne parle jamais de diversité […], mais on la vit au quotidien », déclare celle qui affirme avoir trouvé un « abri professionnel » où poursuivre son projet de vie.