Notre série sur l’emploi en région nous amène cette fois en Montérégie, une région enchâssée entre Montréal et les États-Unis. Elle possède une double identité qui en fait une région de plus en plus attractive, notamment grâce à ses secteurs en demande.
La Montérégie est une région « prise en sandwich », explique Jean-Baptiste Henry, entre les États-Unis, l’Ontario et le Grand Montréal. C’est aussi la région la plus populeuse après Montréal. « On y ressent l’influence de Montréal au nord, mais plus on s’éloigne, plus les régionalismes ressortent », poursuit le responsable de la liaison et du développement pour la Maison Internationale de la Rive-Sud (MIRS).
Comprenant 12 municipalités régionales de comté (MRC), dont l’agglomération de Longueuil, la Montérégie possède une diversité de réalités. « Elle a l’avantage d’être très accessible depuis la métropole, mais de proposer un espace de vie plus grand. Et cette qualité de vie joue dans la rétention » détaille Khadija Aoutil, coordonnatrice au service de l’immigration de l’ANCRE, un organisme soutenant l’intégration des nouveaux arrivants. Et puis, la région se situe sur les axes routiers est-ouest, qui mène en Ontario et à l’est du pays.
La région possède deux facettes, une partie rurale et une autre urbaine, au nord, proche de Montréal. Avec Brossard, son cégep et ses centres de formation professionnelle, mais aussi Longueuil, la troisième ville au Québec attirant le plus de personnes immigrantes.
« Mais, depuis plusieurs années, des mouvements de populations s’opèrent. Et cela s’est accéléré avec la pandémie de COVID-19. Longueuil et Montréal se vident pour les territoires de l’ouest et de l’est de la région », partage Jean-Baptiste Henry. Les populations recherchent une autre qualité de vie et, avec eux, de plus en plus d’emplois se créent dans les zones plus rurales.
Des secteurs d’emploi stratégiques
« C’est une richesse d’avoir une double facette ! », s’enthousiasme M. Henry. En effet, cette identité lui confère des besoins multiples. La région possède de nombreuses usines, et s’appuie sur des secteurs manufacturiers, agroalimentaires et agricoles très développés. « Le Nord est plus populeux, plus industriel et manufacturier, grâce entre autres à la présence du port de Montréal », poursuit-il. Quant au Sud, c’est là que l’on trouve des terres agricoles. Et puis, comme ailleurs, la santé, l’éducation et les services demeurent très en demande.
Dans l’ensemble, les technologies de l’information sont aussi un domaine montant. « La transformation agroalimentaire est un secteur phare chez nous », explique Ana Luisa Iturriaga, directrice à l’immigration de Saint-Hyacinthe Technopole, responsable du développement économique de la ville. Il se trouve en effet le Centre de recherche Charles-Le Moyne (CRCLM), un centre de recherche en santé ou encore l’Institut Nazareth et Louis-Braille spécialisé en réadaptation. « Nous allons être nommés Zone d’innovation en transformation agroalimentaire », partage-t-elle.
Des défis similaires
Comme dans de nombreuses autres régions, la Montérégie fait face à une pénurie de logements et de garderies, mais aussi à des enjeux de transports en commun.
« Nous avons besoin de plus de soutien financier, notamment pour les demandeurs d’asile, dont la population augmente », ajoute Khadija Aoutil. En effet, fin janvier 2023, le milieu communautaire a lancé un appel à l’aide au gouvernement du Québec pour répondre à la hausse de cette population au Québec et à leurs besoins.
Selon Ana Luisa Iturriaga, la concurrence se multiplie : « Dans un contexte de plein emploi et d’une population vieillissante, il y a non seulement de la concurrence entre les régions, mais aussi entre les provinces — et entre les pays ». Elle estime que la Montérégie doit créer des initiatives pour se démarquer. « Les gens ont le choix, maintenant. Ils ne suivent plus juste l’emploi », rappelle-t-elle.
Des actions récentes
L’immigration et l’intégration sont des chantiers prioritaires en ce moment, en Montérégie. « La région commence à se mobiliser, il y a une volonté de concertation régionale pour remplacer la multitude de comités qui s’étaient créés », partage Khadija Aoutil de l’ANCRE. Il y a, par exemple, Montérégie économique, un regroupement régional pour soutenir le développement de toute la région, qui vient d’obtenir le mandat de mettre en place une stratégie globale de régionalisation des travailleurs immigrants.
Une harmonisation nécessaire face à la fois à la situation de l’emploi et à l’arrivée de personnes immigrantes. « On s’est démarqués en régionalisation l’an dernier », partage Ana Luisa Iturriaga de Saint-Hyacinthe Technopole. En effet, selon Emploi Québec, la Montérégie est la deuxième région où le taux d’emploi est le plus fort.
Par exemple, la MIRS cherche à collaborer avec les autres MRC de la région, mais aussi avec d’autres régions du Québec, dans la lignée de la politique gouvernementale en matière de régionalisation.
Quant à Saint-Hyacinthe Technopôle, « l’organisme pivot », très implanté et visible dans la région, il tente de suivre les tendances d’immigration. « La clientèle a changé ses dernières années ; on reçoit plus de demandeurs d’asiles et de résidents temporaires », explique Mme Itturiaga. Elle poursuit en expliquant que l’organisme ne travaille plus seulement sur la régionalisation, mais se développe aussi en matière de recrutement international.
Miser sur l’intégration
Selon elle, il est cependant nécessaire que ces mesures soient prises dans le respect de l’identité de la personne immigrante. « L’intégration doit se faire en gardant les racines, on ne peut lui demander de s’assimiler. Créer de la fierté est un moteur d’inclusion et de rétention » détaille Ana Luisa Iturriaga.
Elle estime que c’est le défi de toute la province, pas juste de la Montérégie, d’en faire plus pour comprendre le parcours migratoire. « C’est le milieu complet qu’il faut faire avancer, comme les quartiers, dont on parle peu, mais qui ont un rôle décisif dans l’intégration », poursuit-elle.
L’intégration reste en effet un défi sur lequel doivent travailler les acteurs de la région, selon les personnes que nous avons rencontrées. « Il faut soutenir les municipalités, car elles peuvent être prises de court », complète Jean-Baptiste Henry. Pour lui, le vivre ensemble se prépare et la région doit créer les conditions favorables pour cela.
Photo : Extrait, Wikimedia Commons