
Sur le papier, le principe est simple pour le travailleur étranger temporaire. Dès lors qu’il demande un nouveau permis de travail (ou la prolongation d’un permis en cours de validité), il est légalement autorisé à travailler dans les mêmes conditions et pour le même employeur, le temps qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada statue sur sa demande, même si cette décision n’a lieu qu’après l’expiration de son permis actuel.
Durant cette période, aucune démarche supplémentaire n’est exigée de la part du salarié ou de son employeur. Une restriction majeure s’impose tout de même au détenteur d’un statut conservé : en quittant le Canada, il prend le risque de perdre « le droit de travailler selon les mêmes conditions », prévient Maxime Lapointe, avocat spécialisé en droit de l’immigration.
Précarité
Devoir traverser les frontières du Canada « à ses risques et périls », sous peine de perdre son statut conservé, peut limiter un travailleur dans ses opportunités professionnelles (conférences à l’étranger, voyages d’affaires, etc.) et avoir de lourdes conséquences sur sa vie personnelle.
Ce statut vient avec un autre risque, celui de voir un dossier mal rempli, finalement rejeté après des mois d’attente. Le candidat perd alors son statut conservé, et doit faire une demande de rétablissement de statut, dans les 90 jours suivant le refus.
Me Lapointe raconte, à titre d’exemple, l’histoire d’un de ses clients, contraint de choisir entre maintenir son droit à travailler et rendre visite à un proche, sur son lit de mort. De nombreux témoignages sur les réseaux sociaux font état de situations similaires.
Ce processus peut prendre plusieurs mois, durant lesquels travailler n’est pas autorisé. « Soit les gens vont travailler dans l’illégalité, soit ils vont dilapider toutes leurs économies », expose Me Lapointe, qui prône l’instauration d’une « autorisation de travail provisoire », pour alléger le poids financier sur les épaules des candidats.
Dans certains cas, le refus s’accompagne d’une injonction de quitter le territoire, sans possibilité de demander un rétablissement de statut.
Motifs de refus
Des permis de travail refusés, Maxime Lapointe en voit passer beaucoup. La plupart des malchanceux « ont simplement mal compris » les exigences de la demande de prolongation de statut, et présentent des dossiers incomplets : absence d’Évaluation d’impact sur le marché du travail (EIMT) ou de l’accusé de réception de dépôt de demande d’EIMT, preuve de niveau de compétence linguistique suffisant pour les Permis de travail post-diplôme (PTPD)…
Sur le statut conservé en lui-même, l’avocat reconnaît une « zone grise ». Le statut conservé n’est pas automatique : si la demande de renouvellement de permis de travail est présentée après l’expiration du statut actuel, il n’entre pas en vigueur. « C’est important de s’y prendre à l’avance », enjoint-il, et ne pas se fier sur ses démarches précédentes pour effectuer celles à venir. « Le passé n’est pas garant du futur, surtout en immigration », poursuit-il, avec les changements de politiques constants et les spécificités propres à chaque statut.
Et les employeurs ?
Ces mises en garde et ces conseils, Maxime Lapointe les adresse aussi aux ressources humaines (RH).
S’assurer de comprendre quel permis a été demandé et « faire un suivi régulier » est essentiel, d’après lui, pour éviter les situations délicates ou les « travailleurs malintentionnés ». Au fil de sa carrière, l’avocat a vu des employeurs être « en non-conformité pour avoir fait travailler un travailleur sans permis, en s’étant fié sur ses propos », sans vérifications complémentaires.
« Est-ce que les employeurs sont vraiment informés de ce que représente un statut maintenu ? Est-ce qu’ils font les vérifications usuelles, à savoir vérifier s’il y a une décision rendue ? »
Me Lapointe
Photo : Kateryna Hliznitsova
