Le réseau d’établissements collégiaux détient « une formule qui aide à la régionalisation de l’immigration », selon Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps.
À l’automne 2023, près de 175 500 étudiants étaient inscrits dans l’un des 48 cégeps de la province, selon les données partielles de la Fédération des cégeps. Parmi eux, 8 110 étaient étrangers, une hausse de 25,9 % par rapport à l’année précédente, et de 73,5 % entre 2015 et 2021, d’après le ministère de l’Enseignement supérieur.
Un taux d’inscription d’étudiants internationaux qui demeure pourtant très faible, par rapport à ceux enregistrés par les universités
Mais à en croire Bernard Tremblay, le nombre ne fait pas toujours la force.
Contrer la dévitalisation
Pour M. Tremblay, l’attraction d’étudiants étrangers « est vraiment une question de vitalité des établissements », particulièrement en région. Environ 12 000 places y étaient vacantes, estimait la Fédération des cégeps en 2022.
Ainsi, même s’ils sont relativement peu nombreux, « c’est un groupe extrêmement important et stratégique », permettant aux cégeps à l’extérieur des grands centres urbains de rester à flots. À Matane, par exemple, la moitié des étudiants proviennent de l’international, assure Bernard Tremblay. Sans eux, certains programmes devraient fermer, « ce qui forcerait l’exode de ces étudiants-là dans d’autres régions », soutient-il.
Leur faible nombre les protégerait aussi du plafonnement temporaire des permis d’études annoncé par Ottawa, en janvier dernier, puisque « contrairement à tout le reste du Canada et à ce qui se passe dans les universités [les étudiants internationaux] ce n’est pas une source de financement » pour les cégeps, rassure Bernard Tremblay.
Des bénéfices se faisant aussi sentir à l’extérieur des établissements d’enseignement, jusqu’au marché du travail, aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre. La durée d’un programme collégial, de deux à trois ans en général, est moins longue que celle pour « intégrer efficacement un travailleur international qui arrive à l’âge adulte », croit Bernard Tremblay. « Il n’y a pas d’enjeu de francisation, pas d’enjeu de reconnaissance [des diplômes] parce que le diplôme, il est québécois, et le permis d’études comporte un permis de travail » postdiplôme, détaille-t-il, enthousiaste.
Maillage
Au sein du marché du travail, justement, Bernard Tremblay appelle à un changement de mentalité et déplore que les cégeps soient « rarement sollicités pour travailler avec les entreprises ». « Ça pourrait être très stratégique de travailler avec des secteurs d’activité économique pour augmenter la part d’étudiants internationaux qui s’intègrent dans des filières en manque de finissants », affirme-t-il.
L’idée derrière ce co-recrutement serait de sélectionner des travailleurs qualifiés à l’étranger, d’identifier leurs lacunes par rapport aux exigences du secteur d’activité au Québec, et de leur offrir une formation adaptée, « pour faciliter leur intégration dans le milieu de travail ».
Il donne l’exemple du milieu de la santé, ou Québec ambitionne de recruter 1 000 infirmières à l’international, et faire appel au réseau des cégeps pour leur offrir une formation d’appoint.
Si des initiatives similaires ont déjà été envisagées, elles ne se sont jamais matérialisées. « Que ce soit pour des organismes publics ou des entreprises privées, on se prive d’une opportunité qui aurait pour effet de faciliter l’intégration » de futurs travailleurs, réitère Bernard Tremblay.
Mobilité
Des efforts à faire, il y en a aussi du côté de la promotion. Il invite le gouvernement provincial à développer de nouveaux partenariats au sein de la francophonie, et à travailler dans le sens d’une reconnaissance accrue du diplôme collégial.
Car bien qu’il soit « reconnu pour sa qualité », il faudrait, selon Bernard Tremblay, pouvoir mieux « l’appareiller dans le système national » du pays d’origine des étudiants internationaux, afin de faciliter la mobilité des étudiants qui ne souhaiteraient pas s’établir à long terme au Québec.
La mobilité, il souhaite d’ailleurs la voir se répandre et que les étudiants et le personnel puissent, eux aussi, profiter d’une expérience à l’international.
Le milieu collégial « a des habitudes d’accueil très enracinées », se réjouit-il finalement, espérant, à l’avenir, pouvoir en faire profiter le plus d’étudiants possible, d’ici ou d’ailleurs.
Photo : Andy Quezada/Unsplash+