Au Québec et au Canada, les données disponibles sur l’immigration sont limitées. Une réalité qui pourrait biaiser le portrait qu’on se fait du phénomène migratoire dans son ensemble.
Crise du logement et de l’accès à certains services publics, recrutement à l’international, capacité d’accueil des demandeurs d’asile, seuils annuels de nouveaux résidents permanents ou temporaires… Au Québec, l’immigration est de tous les débats.
Mais lorsqu’on parle d’immigration, de quoi parle-t-on réellement ? Quels chiffres se cachent derrière les études, analyses et autres discours ? À partir de quelles données sont imaginées les politiques migratoires ? Sont-elles fiables ?
Portrait tronqué
Simon Savard, économiste principal et directeur adjoint à l’Institut du Québec, estime qu’« il y a un déficit de connaissance et de divulgation des données du marché du travail au Québec et au Canada ».
Depuis 2016, l’immigration temporaire s’est considérablement accrue, observe l’économiste. Une hausse qu’il explique notamment par le recours aux travailleurs étrangers temporaires pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre et à la relance de l’économie au tournant de la pandémie. « Ça a considérablement changé la donne », admet-il.
D’un point de vue statistique, l’immigration permanente était, d’après Simon Savard, plus facile à prévoir, notamment grâce à la publication annuelle, par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), d’une planification des seuils migratoires et d’objectifs chiffrés.
Les données sur l’immigration temporaire récoltées par les agences statistiques seraient, elles, plus difficiles à analyser. Si l’on sait, par exemple, le nombre de permis de travail temporaire délivrés, on ignore si les travailleurs étrangers sont présents sur le territoire une partie de l’année seulement, ou encore s’ils participent réellement ou non au marché du travail.
« C’est comme si on avait un puzzle et qu’il nous manquait encore quelques pièces pour avoir un portrait un peu plus complet », affirme M. Savard.
Jouer contre la montre
Analyser des données, c’est aussi jouer contre la montre. « L’un des défis lorsqu’on porte un regard sur ces données-là et l’impact des immigrants sur le marché du travail, c’est qu’on a toujours un pas de recul par rapport à la réalité », concède Simon Savard. La « donnée la plus robuste » sur les immigrants temporaires remonte au recensement de 2021, et considérant les transformations rapides du paysage migratoire depuis, « c’est une donnée qui est un peu décalée par rapport à la réalité », reconnaît-il.
Les imprécisions statistiques demeurent donc, mais Simon Savard est confiant en l’amélioration des méthodes de l’Institut du Québec. « Il y a eu une certaine démystification autour de ces données-là, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire. »
Il déplore par ailleurs qu’« au-delà du nombre de permis délivrés […] il nous manque des données qui sont plus de nature administrative ». Celles-ci seraient, d’après lui, détenues par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, mais ne seraient « pas utilisées à leur juste valeur ».
En janvier 2024, la ministre de l’Immigration de la Francisation et de l’Intégration Christine Fréchette a par ailleurs déclaré, au micro de QUB radio, vouloir « mieux documenter [la] capacité d’accueil » de la province.
Le Fonds de recherche du Québec — Société et Culture (FRQSC) a été sollicité afin de mettre sur pied une équipe de chercheurs à même de déterminer les besoins en main-d’œuvre et d’évaluer les besoins d’hébergement et la capacité actuelle.
Photo : Ryoji Iwata