Les municipalités régionales de comté (MRC) jouent un rôle historique dans l’attraction et l’installation de personnes immigrantes hors des grands centres urbains.
Les régions du Québec ne sont pas seules à mener une campagne de séduction pour attirer les nouveaux arrivants. De nombreuses MRC sont, elles aussi, impliquées dans la régionalisation de l’immigration.
Elsa Lambert, agente de développement-immigration au Collectif régional de développement du Bas-Saint-Laurent (CRD), fait remonter ce rôle à 1991, et à la signature de l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains. Un accord très important, selon elle, « parce que la province a décidé de partager la responsabilité [la sélection et] de l’accueil des personnes immigrantes sur le territoire ». Les régions et leurs MRC sont partie prenante, afin de « répondre aux défis démographiques, économiques et culturels » qu’elles rencontrent, soutient-elle.
« On peut dire qu’avec l’Accord Canada-Québec, on a vécu une fédéralisation de l’immigration […], mais avec ces questions de régionalisation de l’immigration, on a municipalisé l’immigration », résume-t-elle.
Rôle des municipalités
Ce rôle est notamment renforcé par la désignation de 14 villes d’accueil aux réfugiés à l’échelle de la province. Elles vont alors « développer des structures d’accueil pour mieux les accompagner », explique Elsa Lambert.
À Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent, la municipalité a par exemple soutenu le réseau de la santé dans la mise en place d’une clinique aux réfugiés pour mieux prendre en compte les besoins spécifiques de cette population, notamment en matière de santé mentale.
Le Programme d’appui aux collectivités (PAC), financé par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), permet également aux municipalités locales et aux MRC « d’exercer un certain contrôle dans la mobilisation des partenaires locaux, territoriaux », et ce, dans divers secteurs, dans le but « d’établir ensemble un plan d’action local ».
En découle, d’après elle, des « actions communes et concrètes », comme le développement de guides d’information sur le fonctionnement du territoire et les services offerts, un guide de sensibilisation aux entreprises ou encore la mise sur pied de formations de sensibilisation aux préjugés et aux discriminations.
La collectivité au service de l’attractivité
C’est d’ailleurs le PAC qui permet au volet régionalisation de l’immigration du CRD d’exister.
L’organisme de concertation et de planification a pour mission de « promouvoir et de soutenir le développement économique, social et culturel du Bas-Saint-Laurent ». La table de concertation dédiée à la régionalisation réunit les huit MRC membres du Collectif et la direction régionale du MIFI, autour de projets visant « l’accueil et l’établissement des personnes immigrantes », peut-on lire sur leur site internet.
Car si l’attractivité des régions est au cœur de la régionalisation, alors que près de 85 % des nouveaux arrivants de la province s’installent en premier lieu à Montréal, selon l’Institut du Québec, la rétention est aussi un défi de taille.
Bien qu’Elsa Lambert estime que l’installation à long terme des nouveaux arrivants se passe de mieux en mieux, elle reconnaît que d’autres freins à la rétention persistent, comme la surqualification ou la saturation du marché locatif. « On n’ose plus trop faire de l’attractivité parce qu’on ne sait pas où les loger », admet l’agente de développement-immigration.
Enjeux
À l’entendre, l’enjeu de l’heure serait celui des travailleurs étrangers temporaires (TET), avec lesquels « il est plus difficile de travailler sur des questions de rétention », croit-elle. « De plus en plus, on embauche des temporaires sur des postes permanents, ce qui complique les choses aussi ».
Les stratégies municipales sont, d’après elle, exclusivement axées sur l’immigration permanente. Avec leur statut, les TET tombent un peu entre les mailles du filet, ce qui n’empêche pas le CRD de travailler auprès d’eux pour les sensibiliser à leurs droits.
En termes de devoirs, les MRC sont aussi responsables « d’assurer la sécurité de la population en luttant contre le profilage racial », juge Elsa Lambert. « De plus en plus, les municipalités vont intégrer la lutte au profilage racial, au racisme, aux discriminations », mais aussi miser sur les activités interculturelles « pour que les nouveaux arrivants rencontrent les natifs du territoire » — et vice versa.
Photo : Basile Moratille