
Procéder à une demande de permis de travail demande beaucoup d’énergie et d’organisation, que ce soit lors d’une première fois ou lors des prorogations des statuts de vos employés en poste.
Nous avons rencontré des centaines d’employeurs à travers le Québec qui partaient d’une bonne intention, mais qui se sont retrouvés piégés à cause d’erreurs d’interprétation en cours de procédure. Or, ces erreurs sont la cause de beaucoup de frustration auprès des employeurs comme des employés, car elles vont provoquer des retards dans le recrutement et la disponibilité effective du travailleur, ou encore mettre en danger le statut des employés, lors du renouvellement d’un permis de travail par exemple.
Parcourons ensemble les dix erreurs les plus fréquentes — et comment les éviter.
#1 : Justifier « à sa façon » la durée d’emploi demandée
Sur le formulaire d’une demande d’Évaluation d’impact sur le marché du travail (EIMT), vous devez répondre à la question « veuillez justifier la durée d’emploi demandée en fonction des activités ou projets prévus au sein de votre entreprise ». Pour vous, c’est évident : votre employé, vous le voulez aussi longtemps que possible. Votre secteur souffre d’un problème majeur de pénurie de main-d’œuvre, et le taux de chômage dans votre région est ridiculement bas… Finalement, pourquoi auriez-vous à justifier une question qui ne vous concerne pas ?
Si vous avez répondu à cette question de cette manière, vous pouvez être certain que l’agent de Service Canada va vous demander de revoir votre dossier et d’apporter des informations factuelles. Vous devez prendre en considération le contexte dans lequel votre entreprise se situe pour justifier la raison de maintenir ce poste et inviter un travailleur étranger à l’occuper. Si vous êtes en production, parlez de vos carnets de commandes. Si vous êtes dans les TI, énumérez les différents stades de progression de développement des projets. Si vous êtes dans les services ou la restauration, mettez l’emphase sur le maintien d’une qualité constante, la fiabilité… Bref, concentrez-vous sur les éléments qui vont réellement démontrer l’importance de recruter ce candidat pour une large période. Car n’oubliez pas que la durée d’octroi de l’EIMT est toujours à la discrétion de l’agent qui analyse votre demande.
#2 : Manquer à ses obligations en matière d’affichage des postes
L’affichage réglementaire, qui doit être effectué en amont d’une demande d’EIMT, est souvent le cauchemar des employeurs. Comprendre le processus surtout lorsqu’il doit être effectué différemment selon le volet choisi (nommément à haut ou bas salaire) complique encore plus la gestion des étapes d’un affichage conforme.
Souvent, les employeurs partent du principe qu’ils « affichent » déjà le poste depuis suffisamment de temps, et qu’ils sont « corrects » avec leurs obligations à ce niveau. En réalité, cette étape est cruciale. Elle doit être non seulement effectuée dans les règles de l’art, mais aussi maintenue pendant tout le processus de la demande d’EIMT. Il est conseillé de préparer une liste de toutes les informations qui doivent figurer dans la demande d’EIMT et vous assurer que toutes, sans exception, apparaissent dans chaque méthode d’affichage, qui au passage n’est pas nécessairement un site Internet. À défaut, votre demande ne sera pas jugée conforme et vous dirigerez droit vers une évaluation négative.
De plus, si vous recrutez pour plusieurs unités de production, ou que les employés se trouveront en poste sur plusieurs lieux de travail, vous devez vous assurer que tous les paramètres soient également bien mentionnés dans la campagne.
Pour finir, sachez que si les demandes d’EIMT présentées dans le cadre d’un traitement simplifié sont dispensées de présenter les efforts de recrutement local, la règle de l’affichage reste pleinement applicable et obligatoire.
#3 : Confondre un poste « à bas salaire » et un poste « peu spécialisé »
Un poste qui sera traité dans le volet « bas salaire » ne veut pas dire qu’il s’agit d’un poste « peu spécialisé ». Pourtant, l’erreur est commune. La question est relative, et trouve son fondement dans le niveau de salaire médian, établi chaque année pour chaque province et territoire. Un poste spécialisé peut ainsi autant relever d’un poste à « haut salaire » que d’un poste à « bas salaire », et vice-versa. Dans le cadre d’une demande d’EIMT, la Classification nationale des professions (CNP) n’entre pas en considération pour déterminer si un salaire est bas ou haut, sauf… si le poste spécialisé figure sur la liste des professions admissibles en traitement simplifié, y compris si le salaire proposé est inférieur au salaire médian. Il sera alors considéré comme un poste à haut salaire. C’est une particularité du Québec qui permet d’attribuer à des postes qui auraient dû être traités en temps normal comme un poste à « bas salaire » de bénéficier des conditions du volet « haut salaire ».
#4 : Manquer de synchroniser les procédures d’EIMT et de CAQ
Très souvent, les employeurs qui appliquent les procédures à la lettre s’interrogent sur l’ordre des documents à remettre aux différents ministères. Rappelons qu’une demande d’EIMT et de sélection temporaire par le Québec (menant au Certificat d’acceptation du Québec, ou CAQ) est une procédure de responsabilité partagée du Québec et du gouvernement fédéral. Par conséquent, la demande est traitée simultanément par les 2 paliers et une décision conjointe est émise. L’erreur la plus commune est de ne pas envoyer la demande de CAQ au MIFI et attendre que Service Canada se manifeste pour vérifier si la procédure auprès du MIFI a été entamée. En procédant ainsi, la procédure sera inévitablement retardée.
#5 : Déterminer un titre de poste sans évaluer les conséquences sur le long terme
Le poste vacant que vous devez pourvoir est bien plus stratégique que vous ne le croyez. Si vous vous basez sur une description trop restrictive des tâches attendues et que des changements surviennent, qui peuvent toucher les conditions ou le lieu de travail, ou encore les fonctions, vous pouvez rapidement vous retrouver dans l’obligation de devoir procéder à une nouvelle demande d’EIMT pour mettre à jour ces transitions. Si le poste est syndiqué, il faut bien mentionner en rappel sur les différentes sections de l’EIMT « selon convention collective » au niveau des horaires, du salaire et des autres conditions qui peuvent évoluer pendant la durée de validité de l’EIMT. Si le poste n’est pas syndiqué, il faut également mentionner, autant dans le contrat de travail que sur la demande d’EIMT, certaines flexibilités sur les conditions d’emploi. Quel est l’intérêt ? En cas d’inspection, et si certaines conditions ont été modifiées, cela permettra de démontrer que ces mesures avaient déjà été mentionnées dans la demande initiale d’EIMT. Toutefois, il ne faut pas omettre d’effectuer des déclarations de mise à jour le cas échéant à Service Canada.
#6 : Recruter un candidat étranger avant de vérifier sa compatibilité avec les critères d’immigration
Bien que l’employeur « recrute » le candidat le plus compétent, cela ne fait pas de lui le meilleur candidat à l’immigration. Il est indispensable que, lors du recrutement d’un travailleur étranger, l’employeur s’assure que le candidat entre dans les critères de l’immigration à tous les niveaux du processus. Il n’y a rien de pire que d’annoncer une bonne nouvelle et ensuite se rétracter pour des raisons administratives qui auraient pu et dû être vérifiées en amont. Les exemples les plus communs peuvent être un niveau d’étude non conforme aux critères de la CNP, un candidat qui s’est vu, par le passé, refuser une demande de visa au Canada ou dans un autre pays, ou encore une personne qui a un passé judiciaire… Quoi qu’il en soit, chaque candidature doit être analysée dans le détail, dès la présélection — mais toujours dans le respect des droits des candidats.
#7 : Ne pas synchroniser les étapes d’une demande de permis de travail et passer outre les données des candidats versus le poste à pourvoir
Préparer une demande de permis de travail ne se résume pas à remplir des formulaires et ajouter un CV, un contrat et une description de poste, et ce que l’on se situe dans le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) ou le Programme de mobilité internationale (PMI). C’est tout un travail de préparation, de suivi et définitivement de synchronisation qu’il faut mettre en place. Une des erreurs récurrentes est de constituer un dossier sans vérifier la conformité des documents relevant du profil du candidat, autant que les données corporatives — surtout si l’employeur possède plusieurs lieux de travail avec des numéros d’Agence du Revenu Canada (ARC) différents.
De plus, en procédant de façon urgente à monter les demandes, il arrive fréquemment que des informations ou documents importants soient omis. Afin de vous assurer de présenter des dossiers conformes à l’appui d’une demande d’EIMT-CAQ autant que de permis de travail, il est indispensable d’établir un échéancier des étapes, mais également une liste de documents qui sera générée suite à l’analyse du profil du poste et du candidat que vous aurez effectuée. Toutes les informations qui figurent dans les demandes d’EIMT, de CAQ, à l’affichage et dans le CV doivent être rigoureusement identiques.
#8 : Ne pas respecter les conditions de maintien du statut du travailleur étranger
Selon l’article R186.u du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR), toute personne qui a un permis de travail, par exemple, et qui proroge son statut avant la date d’expiration de son permis actuel peut continuer à travailler jusqu’à la validation du nouveau statut, sous réserve de rester sur le territoire canadien pendant le processus.
Une des erreurs communément rencontrées est de considérer qu’un employé qui a déposé sa demande de résidence permanente est exonéré de demandes d’EIMT et de CAQ, voire de devoir proroger un permis de travail qui arrive à expiration. Sur ces deux points particuliers, l’erreur vient de la confusion opérée entre la dispense d’EIMT pour les travailleurs étrangers qui détiennent un Certificat de sélection permanente au Québec (CSQ). Mais dispense d’EIMT ne signifie en aucun cas dispense de permis de travail, qui doit être maintenu en tout temps.
#9 : Négliger le paiement des frais gouvernementaux
Le paiement est la bête noire de toute une procédure et malheureusement se trouve dans le « top 3 » des erreurs les plus communes.
Chaque ministère impliqué dans un processus de permis de travail perçoit des frais. Le plus simple est Service Canada avec un montant de 1 000 $ CAD par poste/candidat.
Côté MIFI, le calcul se dédouble, entre la part assumée par l’employeur et celle de la responsabilité de l’employé. Enfin, il s’agit de considérer que les sommes demandées par le MIFI sont indexées chaque année, au 1er janvier.
Du côté d’Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada (IRCC), et même si le montant des sommes dues est généralement généré dans la liste de contrôle, il arrive qu’au l’on oublie de prévoir le 100 $ CAN supplémentaire qui complète les 155 $ CAN des frais de gouvernement pour un permis de travail ouvert ainsi que les frais pour la biométrie (85 $ CAN par personne, 170 $ CAN si le travailleur étranger est accompagné). Enfin, dans le cadre du Programme de mobilité internationale (PMI), il faut également compter les frais de la soumission de l’offre d’emploi qui sont de 230 $ CAN, à la charge exclusive de l’employeur.
S’il peut prendre à sa charge les sommes dues par le travailleur étranger, l’employeur ne peut légalement exiger le paiement par l’employé des frais gouvernementaux qui lui incombent.
En cas de défaut de paiement, tout dossier est bien sûr retourné.
#10 : Montage des formulaires : « trop c’est comme pas assez »
Constituer une demande d’EIMT-CAQ est un travail qui demande beaucoup d’attention « sur » le détail, mais pas « dans » le détail. Une des erreurs fréquentes est de vouloir en faire trop pour être certain de ne rien manquer. Par exemple, il est inutile d’écrire, à l’appui d’une demande d’EIMT-CAQ, une lettre de présentation de 4 pages pour présenter votre entreprise, le poste à pourvoir, et expliquer pourquoi vous voulez ce candidat. Les formulaires sont suffisamment bien conçus pour absorber ces informations, et une courte lettre d’introduction est largement suffisante.
Quant aux formulaires, inutile de les surcharger également. Remplir une EIMT n’est pas un exercice scolaire, mais une démarche qui vise à convaincre l’agent que vous avez besoin que ce poste soit occupé par le travailleur étranger désigné, car aucun Canadien ou résident permanent n’est en mesure de l’occuper. Votre objectif est que cette embauche permette de conserver les postes des autres travailleurs, voire à créer de nouveaux emplois grâce à la contribution de l’employé visé.
C’est en parvenant aussi à prendre de la hauteur que vous serez en mesure de filtrer les informations qui auront un réel impact sur la démarche que de mettre des informations inutiles et vous faire perdre du temps — ainsi qu’à l’agent qui traitera votre dossier.
Ces dix erreurs peuvent toutes être évitées sans problème et vous préparer également à déjouer d’autres écueils dans les différentes étapes des procédures. Le mot d’ordre et de réussite est : ayez une vision à long terme, soyez organisé et allez à l’essentiel !