Lorsque la fin de l’année approche, de nombreux employeurs entreprennent une révision de leurs politiques de rémunération, de leurs exigences en matière de compétences, et d’autres aspects liés à leurs employés. Cependant, pour ceux qui emploient des travailleurs étrangers temporaires au Québec, il existe des réglementations strictes concernant la modification des conditions d’emploi une fois que le permis de travail a été délivré. Explications sur la base des directives fournies par Emploi et Développement social Canada (EDSC).
Par Selin Deravedisyan-Adam, CRIC – PHOENIX-GMI
Il est essentiel de comprendre ce que les employeurs peuvent faire, mais surtout ce qu’ils ne doivent pas faire dans le contexte délicat de la fin d’année. Deux programmes distincts permettent d’obtenir des permis de travail. Le fondement des respects des conditions d’emploi est identique que ce soit dans le cadre du Programme de mobilité internationale (PMI) ou du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) administrés par Service Canada.
Une entreprise qui recrute au Québec associe immédiatement le PTET à l’Évaluation d’impact sur le marché du travail (EIMT) et au Certificat d’acceptation du Québec (CAQ). Le programme offre aux employeurs la possibilité de recruter des talents internationaux pour répondre à leurs besoins spécifiques. Cependant, une fois le permis de travail délivré, il est impératif de respecter les conditions d’emploi initialement déclarées. Cela soulève des questions importantes : un employeur peut-il changer les conditions d’emploi ? Peut-il augmenter le salaire de ses employés temporaires ?
Voici 8 recommandations qui aideront les employeurs à bien comprendre la réglementation, en veillant à ce que leurs travailleurs étrangers temporaires demeurent en conformité avec la loi tout en bénéficiant d’un environnement de travail gratifiant, mais aussi équitable entre tous les employés.
- Respect des conditions de l’EIMT : Les employeurs doivent suivre strictement les conditions énoncées dans la lettre d’EIMT positive et ses annexes, ainsi que les lois relatives à l’immigration et à la protection des réfugiés. Cela inclut le maintien des termes du contrat de travail original, tels que les tâches, les salaires et les conditions de travail. Non seulement ces conditions sont dans l’EIMT, mais aussi figurent dans le contrat de travail.
- Classification des modifications : Il existe deux catégories de modifications, mineures et importantes. Les modifications mineures ne nécessitent généralement pas de nouvelle EIMT, tandis que les modifications importantes peuvent exiger la soumission d’une nouvelle EIMT. L’employeur devra par conséquent, être en mesure de déterminer dans les changements les différents niveaux et classifier selon la référence mineure ou importante.
- Modifications mineures sans notification : Certains changements mineurs ne requièrent pas de notification à EDSC. Cela inclut de légères modifications des tâches professionnelles qui n’affectent pas le code de la Classification nationale des professions (CNP), ou des augmentations salariales mineures dans le cadre de certaines limites ou en conformité avec les lois ou la grille des salaires si le poste est syndiqué. Le MIFI demande aux employeurs, notamment, de prévoir des augmentations de salaire « naturelles ».
- Modifications mineures à déclarer : Les modifications comme les erreurs administratives, les changements de coordonnées lorsque la personne signataire est remplacée, voire encore les informations sur la fin d’un emploi, ou les changements de lieu de travail au sein de la même région économique, doivent être signalées à EDSC par courriel. Nous inclurions également des augmentations de salaire qui font suite à une mesure corporative générale, et dont bénéficieraient tous les employés occupant les mêmes fonctions, dans les mêmes conditions.
- Modifications importantes : Cela concerne les changements significatifs tels que des modifications dans les fonctions qui obligeraient à changer de Classification nationale des professions (CNP), mais également d’employeur, s’il s’agit d’une branche différente de l’entreprise, qui l’emploiera avec un numéro de l’Agence Revenu Canada (ARC) différent. Toute réduction de salaire est une modification importante et doit faire l’objet d’un changement d’EIMT. Pour une baisse de salaire, même s’il y a une entente avec l’employé, la nouvelle EIMT est obligatoire. Il ne faut pas oublier non plus que des augmentations salariales majeures qui ne concernent que le travailleur ou encore des modifications des avantages non monétaires, des changements d’horaires de travail ou des exigences en matière d’éducation font partie de cette liste de modifications majeures et, en de rares exceptions, feront également l’objet d’une nouvelle demande d’EIMT-CAQ.
- Divulgation volontaire des modifications : Si des modifications, qu’elles soient mineures ou importantes, ont été effectuées, il est conseillé de les divulguer volontairement pour rester en conformité avec les réglementations en vigueur. Attention, il faudra bien les consigner.
- Conséquences en cas de non-respect : Les employeurs qui ne respectent pas les conditions de l’EIMT initialement émise peuvent faire face à des sanctions comme des avertissements ou des amendes. Les inspections sont menées fréquemment par les agents pour vérifier si les conditions d’emploi indiquées sur l’EIMT, sont, entre autres, respectées. Le meilleur conseil que nous pouvons vous donner est de garder toute la littérature, les échanges entre employeur, employé et… le PTET.
- Communication avec EDSC et les professionnels : En cas d’incertitude sur la nature des modifications, il est recommandé de contacter EDSC pour des conseils, afin d’éviter des erreurs qui pourraient affecter la conformité et causer des situations lourdes de conséquences avec EDSC en cas d’inspection. Vous pouvez également consulter les professionnels, experts dans le domaine des permis de travail pour évaluer le degré d’importance du changement opéré.
En résumé, voici ce que vous pouvez faire ou ne pas faire en tant qu’employeur.
Ce que les employeurs peuvent faire
Effectuer des modifications mineures sans notification
- Apporter de légères modifications aux tâches professionnelles sans changer le code CNP. Le poste peut passer, par exemple d’un niveau junior à senior avec un complément de tâches connexes, mais toujours reliées à la même CNP.
- Augmenter les salaires dans les limites spécifiées ou en conformité avec les lois.
Notifier EDSC pour certaines modifications mineures
- Signaler des erreurs administratives, des changements de coordonnées, et des informations sur la fin d’un emploi.
- Déclarer les changements de lieu de travail dans la même région économique (sous le même numéro d’ARC).
Divulguer volontairement des modifications importantes
- Informer les autorités en cas de changements majeurs déjà effectués, pour rester en conformité, et conserver les preuves en cas d’inspection (exemple : signature d’un avenant au contrat de travail)
Ce que les employeurs ne peuvent pas faire
Ne pas suivre les conditions de l’EIMT
Ignorer les termes du contrat de travail original et les lois sur l’immigration et la protection des réfugiés ne se justifie aucunement.
Effectuer des modifications importantes sans nouvelle EIMT
Changer de profession ou d’employeur, réduire les salaires, augmenter significativement les salaires au-delà des limites spécifiées et seulement pour le travailleur concerné, modifier les avantages non monétaires, changer les horaires de travail, ou modifier les exigences en matière d’éducation sans soumettre une nouvelle EIMT doivent faire, en général, l’objet d’une nouvelle EIMT.
Par conséquent, il est essentiel pour les employeurs d’adopter une approche prudente et préventive dans la gestion des travailleurs étrangers temporaires. Cela commence dès le recrutement du candidat et la préparation des formalités, y compris le contrat de travail. Il est crucial de prévoir une certaine flexibilité dans ces arrangements pour anticiper et gérer adéquatement les changements potentiels. Ceux-ci, en effet, peuvent s’avérer majeurs et nécessiter une attention particulière pour rester conformes aux réglementations. En clair, mieux vaut prévenir que guérir. Une planification minutieuse et une vigilance constante peuvent vous éviter les complications et vous conduire à une gestion efficace et conforme des travailleurs étrangers.
En effet, outre la possibilité de contacter directement le ministère concerné pour obtenir des informations ou signaler des modifications, il est également judicieux pour les employeurs de consulter au préalable un expert spécialisé dans le domaine des EIMT et des permis de travail. En tant que professionnels, nous possédons une expertise approfondie et à jour sur les critères du programme. Cela peut s’avérer crucial pour naviguer avec précision et efficacité dans le processus complexe de gestion des travailleurs étrangers temporaires, en particulier lorsqu’il s’agit de modifications majeures ou de situations ambiguës.
Maintenant que vous avez ces premières indications, à vous de vérifier chaque situation et de prévenir également vos équipes en interne d’éviter de s’engager sur des promotions et autres augmentations de salaire avant de les avoir élucidées et validées sur le plan de conformité avec les exigences du Programme.
Photo : Leon Seibert