Un quart de siècle après son ouverture à Sherbrooke, l’entreprise d’insertion professionnelle Récupex demeure unique en son genre. Elle accueille une soixantaine de participants qui bénéficient chaque année d’une expérience professionnelle, d’un encadrement et d’un accompagnement adaptés, dont l’objectif est de favoriser leur intégration au marché du travail.
« Le but, c’est que les personnes viennent vivre une expérience de travail réelle, qu’ils développent des compétences techniques en lien avec les postes, mais aussi le savoir-être, la culture du travail au Québec », explique Caroline Marier, coordinatrice de l’insertion socioprofessionnelle chez Récupex.
Solidarité
À mi-chemin entre organisme communautaire et entreprise profitable, la structure cible une clientèle éloignée du marché de l’emploi. Les ex-détenus y côtoient des personnes vivant avec des problématiques de santé mentale, ou encore des nouveaux arrivants, pour qui le marché du travail québécois reste à découvrir. Ensemble, ils apprennent de nouveaux outils pour intégrer un emploi à travers quatre paliers d’insertion : la collecte et le tri de vêtements, la couture, l’ébénisterie au Pont de bois et le service à la clientèle à la boutique t. a. f. i., une friperie haut de gamme.
À en croire Mme Marier, la cohabitation est harmonieuse entre les personnes issues de l’immigration et les autres bénéficiaires. « Ils vont se parler entre eux, créer des liens », souligne-t-elle. Des liens de solidarité qui peuvent faire défaut à l’échelle de la société québécoise.
Outiller pour réussir
Le principal obstacle à l’intégration, constate Mme Marier, est souvent lié à l’apprentissage du français : « c’est vraiment un gros défi, parce que parfois ils ne l’ont jamais débuté, parfois ils ne l’ont pas complété ou même s’ils l’ont complété, leur niveau ne leur permet pas une autonomie au quotidien », soutient-elle, rappelant que le français est rarement pratiqué dans leurs foyers.
La francisation se fait donc souvent en milieu de travail. Sauf qu’une fois terminé leur passage chez Récupex, une maîtrise incomplète de la langue demeure un frein à l’emploi, explique Mme Marier. Elle concède qu’il y a « peu d’endroits où les référer, parce que leur français n’est pas suffisant », en dépit des trois heures de francisation hebdomadaires fournies par l’organisme, dont toutes les activités sont financées par Services Québec.
Récupex collabore également avec des enseignantes du Centre Saint-Pierre, qui propose des ateliers sur la culture du travail au Québec. Les participants aux programmes d’insertion sont invités à prendre part à des journées d’essai en entreprise, afin de mettre à l’épreuve sur le terrain les connaissances transmises au cours de la formation. Un passage essentiel, selon Mme Marier, qui croit que « même si l’on explique et l’on nomme [la culture du travail], tant qu’ils ne l’ont pas vécue, ils ne sauront pas ».
C’est pourquoi l’organisme a mis en place un partenariat avec le géant de l’insertion professionnelle Renaissance, récemment installé dans le paysage sherbrookois.
Dilemme
La « reine des Cantons-de-l’Est » connaît un défi supplémentaire : sa population immigrante comprend de nombreux réfugiés, « souvent des gens qui arrivent avec peu d’éducation, peu d’expérience de travail », constate Caroline Marier. De plus, le manque d’accessibilité aux garderies et à un logement abordable en Estrie « vient nuire à leur employabilité, parce qu’ils sont toujours un peu déconcentrés » par leurs recherches, ardues et parfois infructueuses, selon son expérience.
Il arrive aussi aux nouveaux arrivants de trébucher sur les démarches administratives. « Ils ne comprennent pas leurs papiers gouvernementaux, ils ne savent pas comment faire leurs impôts, ils ne savent pas comment renouveler leur carte d’assurance maladie » prend comme exemples Mme Marier.
Elle se désole de voir certains programmes d’aide gouvernementale prendre fin avant l’autonomisation complète des bénéficiaires. D’après elle, les personnes immigrantes et réfugiées en sol québécois sont bien souvent placées face à un dilemme : poursuivre la francisation à leurs frais ou intégrer un emploi pour subvenir aux besoins de leur famille.
Un choix difficile et aux débouchés imparfaits, puisque « tout est imbriqué, assure Mme Marier, on a besoin de tout ça ensemble pour réussir leur intégration sur le marché du travail et, surtout, dans la société ».