Avocate en droit de l’immigration et maître en droit international et politique internationale appliquée, Samya Lemrini a transformé son expérience personnelle de l’immigration en éthique de travail.
« Je sais que je veux être avocate depuis mes douze ans », affirme Samya Lemrini. « Je voulais aider les gens », poursuit celle qui s’implique bénévolement auprès des organismes For the Refugees et Helem, en plus de sa pratique.
C’est durant son baccalauréat à l’Université de Montréal qu’elle choisit de se spécialiser en droit de l’immigration. Elle entre pour la première fois en contact avec ce domaine à travers sa rencontre avec la Clinique juridique PROFIL.
Propulsée par les étudiants, la clinique « aide des professionnels immigrants formés à l’étranger à mieux comprendre les exigences de leur ordre professionnel québécois », selon leurs termes.
La future avocate y conseille notamment de nouveaux arrivants qui font face aux problèmes liés à la non-reconnaissance de leurs diplômes. « C’est d’ailleurs la situation dans laquelle ma mère, qui est médecin, s’est retrouvée », dit-elle.
Du personnel au professionnel
Les parents de Samya Lemrini s’installent au Québec en 2006, quatre ans après avoir déposé leur dossier d’immigration. Dès 2002, sa mère commence les démarches pour obtenir ses équivalences à partir de son pays d’origine, le Maroc. Des années durant lesquelles elle doit concilier les études et le travail, dont elle a besoin pour subvenir aux besoins de ses cinq enfants.
Après un passage à Montréal et à Vancouver, la famille s’installe finalement à Trois-Rivières, où la mère de Mme Lemrini peut finalement pratiquer la médecine en 2010, quatre ans après son arrivée au pays. Une trajectoire qui a influencé le parcours professionnel de la jeune avocate.
« Ce qui m’intéresse, c’est vraiment le croisement entre travail et immigration, parce que je trouve que ça fait partie du droit à la dignité. De quitter ton pays d’origine, que ce soit de manière volontaire ou involontaire, et de venir t’installer dans un autre pays en ayant la formation et les acquis […] nécessaires pour pouvoir participer à la société, une société qui, d’autant plus, a besoin de ressources humaines, et de te faire refuser un poste parce que ton diplôme vient d’ailleurs, je trouve ça absolument aberrant », témoigne-t-elle.
Avancées et implication
« C’est tellement contradictoire de dire qu’on a une pénurie de main-d’œuvre et qu’en même temps on peine à aller chercher des gens qui veulent juste travailler », ajoute Mme Lemrini.
Selon elle, la « démocratisation » de la francisation est d’ailleurs possible, à condition d’accorder plus de ressources aux organismes venant en aide aux immigrants, acteurs de première ligne de l’intégration.
En matière de bonnes pratiques, elle donne aussi l’exemple du programme pilote lancé par le MIFI en 2021, et qui vise à faciliter l’immigration permanente de travailleurs des secteurs de l’intelligence artificielle, des technologies de l’information et des effets visuels, un programme qui prévoit un volet francisation pour ses participants non francophones.
Outre faciliter la reconnaissance des diplômes et accroître les ressources en francisation, l’experte en conseil juridique aux personnes immigrantes estime que, dans le contexte de la pénurie de main-d’œuvre, il faudrait également miser sur les étudiants étrangers. Elle salue, de ce point de vue, l’annonce de la réduction des frais de scolarité pour les étrangers choisissant des établissements d’enseignement en région, même si elle questionne la nécessité, pour les futurs étudiants, de prouver une intention de retour pour dans le cadre de l’obtention du leur Certificat d’acceptation du Québec (CAQ) et de leur permis d’études.
Samya Lemrini salue d’ailleurs l’implication de personnes issues de l’immigration qui travaillent dans les organismes communautaires ou dans l’aide juridique venant en aide aux personnes immigrantes. « Je ne dis pas qu’il faut nécessairement avoir ce parcours-là pour avoir de l’empathie, dit-elle, mais je crois que ça aide de connaître la réalité sur laquelle on travaille », affirme-t-elle. « Il y a tellement de personnes immigrantes qui veulent simplement redonner [au prochain] ». Un peu à son image.