
Collaboration de l’ensemble de l’écosystème
La régionalisation de l’immigration doit se penser en termes d’écosystème. Il importe d’augmenter et d’améliorer la collaboration entre les différents acteurs de la régionalisation de l’immigration (entreprises, organismes communautaires de placement et, sur place, acteurs économiques ou politiques, villes et régions). Un tel renforcement du partenariat permettra une meilleure efficacité, mais aussi un meilleur arrimage entre les besoins des entreprises et l’immigration.
Les acteurs de cet écosystème doivent montrer l’exemple, celui de la représentation de la diversité présente au Québec, de même que celui de l’inclusion. Cette représentation est à envisager à tous les niveaux : les gestionnaires, le personnel RH, les conseillers en régionalisation ou encore les membres des organismes communautaires doivent en être le reflet, et être en partie composés de personnes issues de la diversité (minorités ethnoculturelles ou immigrantes). Maintenir une communication interculturelle et sensibiliser aux problématiques de l’interculturalité paraît essentiel.
Qu’est-ce que l’interculturalité ?
L’interculturalité désigne tous les rapports et les relations entre les différentes cultures. Quels sont les éléments qui les différencient ou les rapprochent ? Comment des personnes de cultures différentes se parlent, échangent, interagissent et tissent des liens ? L’interculturalité implique le dialogue, le respect mutuel et la considération du bagage, du contexte culturel de l’autre. Si une situation d’interculturalité peut représenter un plus grand défi qu’un échange entre deux personnes issues de la même culture, elle débouche sur une interaction enrichissante qui procure une ouverture. Les codes non verbaux ou la langue peuvent différer et représenter une difficulté supplémentaire. L’interculturalité est souvent confondue, à tort, avec la multiculturalité. La multiculturalité désigne la diversité culturelle (la coexistence de cultures différentes) présente dans un groupe, un projet ou un lieu. |
Favoriser la communication, le partage de connaissance, la concertation et la coordination entre les villes, entre les organismes communautaires, mais aussi entre les entreprises serait aussi bénéfique. Par exemple, une entreprise de la Côte-Nord peut apprendre d’une PME située en Montérégie comment améliorer sa gestion des ressources humaines pour mieux attirer et retenir les travailleurs étrangers, d’une part, puis les accueillir et les intégrer, d’autre part.
Une telle collaboration permet aussi d’améliorer la connaissance des différentes problématiques auxquelles chacun, à son niveau, peut être confronté. Le chef d’entreprise comprendra mieux les enjeux de l’immigration si l’organisme communautaire lui explique son fonctionnement, ou encore s’il est sensibilisé aux questions interculturelles. De leur côté, les organismes qui placent les travailleurs étrangers en région pourront mieux les conseiller et les accompagner s’ils connaissent mieux les spécificités des régions, les initiatives existantes, les pratiques des entreprises, etc.
Il importe de travailler ensemble plutôt qu’en concurrence, même entre les régions. Des pratiques complémentaires entre elles augmenteront la performance entre les différents acteurs. En effet, chaque région a ses spécificités, ses acteurs et sa dynamique de régionalisation, d’attraction et de rétention.
C’est d’ailleurs la raison d’être du Sommet de l’immigration au Québec, organisé chaque année par Immigrant Québec, qui vise à réunir tous les acteurs locaux de l’immigration dans une démarche de rencontre, d’échange et de partage des bonnes pratiques — mais aussi des freins rencontrés sur le terrain — en matière d’attraction, d’intégration et de rétention des travailleurs étrangers temporaires.
Mieux accompagner les candidats à la régionalisation
Cet accompagnement doit aussi passer par la transmission d’informations. En effet, les nouveaux arrivants peuvent recevoir, à leur arrivée, une grande quantité d’informations sur les ressources existantes, ou encore les grands marqueurs de la culture québécoise. C’est le rôle de ces partenaires qui accompagnent les travailleurs étrangers dans leurs premières démarches, de les aider à trier et à prioriser ces informations, en fonction de leur projet.
Beaucoup d’organismes et d’acteurs économiques ont misé sur des cours et sessions d’informations pour favoriser l’intégration à la société québécoise. À Québec, le Centre multiethnique organise un cours de 3 h portant sur les sujets tels que le NAS, les permis de conduire, les questions bancaires, le logement ou encore la garderie et les écoles.
Plus que des voyages en groupes, les spécialistes tels que les membres d’Emplois en régions préconisent d’individualiser l’accompagnement. Les acteurs en charge de l’accueil et de l’intégration doivent connaître les nouveaux arrivants pour comprendre les activités qui fonctionneront mieux pour certains que pour d’autres. Certaines villes et municipalités régionales de comté (MRC) permettent aux candidats à la régionalisation de réaliser des séjours individuels. C’est par exemple le cas dans la MRC Brome-Missisquoi.
L’intégration passe majoritairement par l’employeur, qui doit comprendre qu’un travailleur étranger n’est pas qu’un salarié. Si l’emploi est un pan important de la vie, il fait partie d’un projet plus global qu’il s’agit de cerner le plus tôt possible, afin d’éviter les déconvenues et les frustrations.
Lors du Forum sur la régionalisation de l’immigration (2019), les experts intervenants ont établi un certain nombre de principes qui permettent d’opérer un mouvement vers les régions. Parmi eux, l’augmentation de la capacité d’accueil pour contrer la fuite des travailleurs vers les villes. De même, les politiques publiques et les pratiques des employeurs peuvent favoriser l’embauche des personnes immigrantes, ainsi que montrer leur importance dans l’économie.
En outre, l’appui à l’entrepreneuriat et au repreneuriat demeure un facteur d’attraction pour les personnes immigrées, selon les recherches transmises au forum. Soutenir la création d’entreprises par les nouveaux arrivants permettrait non seulement de dynamiser les régions, mais aussi d’accompagner leur intégration. Bien qu’à nouveau, se pose la question de la sensibilisation et l’ouverture des travailleurs locaux à des méthodes qui pourraient différer de ce à quoi ils ont l’habitude, dans un contexte monoculturel.
Améliorer la rétention
Malgré des progrès notables, tous les acteurs de la régionalisation connaissent une problématique de rétention, qui est d’autant plus difficile à évaluer, quantifier et analyser que les données sur la rétention des personnes régionalisées sont rares. Il serait en effet important de réaliser un travail concerté de suivi approfondi, ne serait-ce que pour documenter ce qui fonctionne ou pas, ainsi que les raisons du départ.
L’un des objectifs énoncés par les partenaires d’Emplois en régions, lors du Forum 2019, est d’ailleurs de garder contact avec ces travailleurs étrangers. Un vrai défi, mais surtout une nécessité pour comprendre ce qui fonctionne ou non sur le long terme, qui sont ceux qui restent et ceux qui s’en vont, etc.
De même, les membres d’Un Emploi en sol québécois valorisent le travail des organismes locaux, qui est extrêmement précieux pour l’accueil et l’intégration et donc pour la rétention des personnes immigrantes. Implanté au cœur des régions, leur personnel est le mieux placé pour valoriser la région et inclure les nouveaux arrivants au sein de la société locale.