Au Québec, le réseau de la santé fait appel à un nombre croissant de professionnels diplômés à l’extérieur de la province — voire du pays. Quels défis posent le recrutement et l’embauche de personnel médical issu de l’immigration ?
« L’arrivée massive d’infirmières en provenance de l’international remonte à 2022 », relève Andréanne Dufour, elle-même infirmière clinicienne et agente de planification, de programmation et de recherche à l’Institut universitaire SHERPA CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’île-de-Montréal. Une réalité qui pousse à s’adapter, notamment dans le but d’accueillir et de fidéliser cette main-d’œuvre nouvelle.
Écueils
Avant même de parler des possibles défis d’intégration, nombreux sont les professionnels de la santé diplômés hors Québec qui délaissent la blouse blanche ou bleue à cause de la difficulté, des coûts et des délais engendrés par le processus de reconnaissance des diplômes.
Un niveau de français insuffisant est aussi en cause dans la déqualification des personnes qui « ne trouveront pas le moyen de ré-entrer dans le réseau » de la santé, d’après Andréanne Dufour.
« Pour ceux qui vont rentrer dans le réseau [de la santé], il y a aussi des enjeux par rapport à la possibilité de monter dans les échelons, donc à la satisfaction liée à l’évolution, à la progression dans sa carrière », poursuit-elle.
Ce qui se joue dans la trajectoire professionnelle d’une personne issue de l’immigration dépend, entre autres, d’un défaut de reconnaissance de leurs compétences, mais aussi des biais inconscients. Par exemple, « s’il y a des erreurs [dans son parcours], on le met sur la faute de l’expérience antérieure à l’international », dénonce l’infirmière, appelant à ne pas percevoir les travailleurs internationaux comme un « groupe homogène », mais plutôt à les individualiser, les humaniser, et à reconnaître leur expérience avérée.
« Tout n’appartient pas à la personne qui migre dans un but professionnel, à savoir qu’elle doit s’adapter au réseau [de la santé] et aux réalités de ce qui se fait ici », met de l’avant Andréanne Dufour, insistant sur le « grand rôle au niveau des employeurs en matière de préparation des équipes qui sont déjà en place ».
Une grande représentativité de la diversité ethnoculturelle dans le milieu de la santé, tout comme la formation et la sensibilisation des équipes aux enjeux d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) contribue, en bout de ligne, à l’amélioration des services aux patients.
Communication, préparation et engagement des gestionnaires
Le poste de gestionnaire du volet diversité, équité, inclusion et appartenance (DEIA) a été créé l’an dernier au CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’île-de-Montréal, précisément afin de prendre en charge ces enjeux, et d’offrir un meilleur accompagnement au gestionnaire.
Christine Morin, qui occupe ce poste, estime que l’inclusion commence dès le recrutement. En l’état, les processus de recrutement pratiqué au Québec ne seraient pas forcément équitables pour les candidats issus de l’immigration, qui ne maîtrisent peut-être pas le « jargon de la santé » et ses nombreux acronymes. Comme c’est aussi le cas dans d’autres domaines d’emploi, les candidats peuvent ignorer les normes québécoises pour faire un CV, ou encore les codes d’un entretien d’embauche.
La gestionnaire invite donc à repenser le processus de recrutement, afin d’offrir « un accès équitable aux opportunités d’emploi ».
Également, en ce qui concerne l’apprentissage du français, un certain nombre de projets-pilotes se sont mis en place au cours des dernières années, par exemple pour les infirmières dont le niveau de français est jugé insuffisant, renseigne Andréanne Dufour.
Des initiatives qui émergent notamment d’instituts de recherche comme Sherpa et de ses multiples comités de travail. Chercheurs et acteurs du terrain s’y penchent sur des questions aussi variées que la précarité des statuts migratoires, ou la diversité et l’inclusion, dans le but de faire ressortir de bonnes pratiques à diffuser auprès des gestionnaires du réseau de la santé.
« Avoir des gestionnaires qui sont porteurs de ces projets-là et qui suivent le contrat […] ça fait vraiment une différence », se réjouit l’infirmière.