
Consultations en vue de la future Planification pluriannuelle ou non, on attendait des nouvelles sur le front des moratoires sur l’immigration permanente, qui touchaient le volet Diplômés du Québec du Programme de l’expérience québécoise (PEQ), de même que la voie régulière du Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ) — moratoires en vigueur depuis le 31 octobre 2024, et qui devaient prendre fin le 30 juin 2025.
Or, nouvelles il y eut, en ce 5 juin 2025, à la veille de la fin des travaux parlementaires.
Pour résumer les principales mesures qui ont été annoncées :
- Le PEQ Diplômés du Québec reste gelé jusqu’au 30 novembre 2025 ;
- L’autre volet du PEQ, celui des Travailleurs étrangers temporaires, qui était jusqu’alors la seule voie restante vers un statut permanent au Québec, est lui aussi gelé (jusqu’au 30 novembre 2025) ;
- Enfin, la voie régulière du PSTQ sera rouverte à tous dès le mois de juillet, et constitue désormais la seule voie ouverte vers la sélection permanente — avec son lot de restrictions et d’incertitudes.
Quelles seront les conséquences sur les candidats à l’immigration qui vivent et travaillent déjà au Québec ?
La fin de la prévisibilité
Comme nous l’avons déjà écrit lors de la réforme de 2020, le principal avantage du PEQ pour les personnes immigrantes est sa prévisibilité.
Le diplômé ou le travailleur admissible au PEQ — et donc au volet québécois de l’immigration permanente — y est admissible de plein droit, sans grille de pointage et critères autres que, essentiellement :
- Avoir occupé un emploi qualifié (catégories FEER 0, 1, 2 ou 3) à temps plein, sur une période d’au moins 24 des 36 derniers mois ;
- Être en emploi au moment de présenter leur demande ;
- Démontrer une connaissance du français oral de niveau 7 ou plus sur l’Échelle québécoise des niveaux de compétences en français.
Dans un contexte où les autorités estiment que la part de l’immigration temporaire excède les capacités d’accueil du Québec, cette prévisibilité est un problème. Car une part de ces immigrants, nécessairement plus importante dans les mois et les années à venir que lors des années de référence précédentes, finiront par s’imposer comme résidents permanents, sans que les autorités y aient leur mot à dire — et, sans doute dans des proportions incompatibles avec les seuils d’immigration historiquement bas, en tout cas.
Les seuils d’immigration proposés pour les années 2026-2029
Immigration temporaire, sur quatre ans
- Travailleurs étrangers temporaires : passer la population de TET de 72 000 à 65 000, avec une baisse concentrée sur Montréal et Laval
- Étudiants étrangers : passer la population étudiante de 128 000 à 110 000, une baisse qui sera facilitée par les plafonds instaurés par le gouvernement.
Immigration permanente, sur quatre ans : trois scénarios échelonnés à 25 000, 35 000 et 45 000 admissions par an.
Pour les candidats à l’immigration permanente au Québec, le gel du PEQ Travailleurs envoie un message clair. Il consiste tout simplement à priver les temporaires déjà installés au Québec de toute prévisibilité. Désormais, et pour autant que durera le gel du PEQ Travailleurs, ils devront en passer par le PSTQ, comme tout le monde — y compris les personnes qui n’ont jamais mis les pieds ici et qui déposent leur déclaration d’intérêt depuis leur pays d’origine.
Certes, le ministre a assuré vouloir prioriser les personnes francophones déjà présentes au Québec, sans préciser comment, ainsi que son intention de porter l’immigration économique à 60 % des admissions permanentes. Mais il a également précisé « en dehors de Montréal », laissant planer la possibilité d’une différence de traitement entre les régions et la métropole.
Quel avenir pour le PEQ ?
De plus, si le ministre est resté pour le moins évasif sur la question (posée en conférence de presse) de l’avenir du PEQ, on peut sérieusement douter de la réponse que ce programme offre aujourd’hui, dans le « nouveau paradigme » de l’immigration tel qu’il nous a été présenté.
L’annonce, en conférence de presse, de la création d’une mystérieuse et inédite voie pour les Diplômés étrangers du Québec au sein du PSTQ, dont on ignore à ce stade les détails, est peut-être un commencement d’indice.
Verra-t-on le PSTQ ouvrir, comme le PEQ, plusieurs voies de sélection permanente, selon que l’on est étudiant, travailleur étranger déjà présent sur le territoire et ressortissant étranger résidant toujours à l’étranger, par exemple ?
Toujours est-il que les candidats sont à présent invités à se diriger vers le PSTQ, qui s’apprête en toute logique à accueillir un nombre important de nouvelles déclarations d’intérêts, au point que l’on peut s’interroger sur la façon dont elles seront traitées et « priorisées » au milieu de celles toujours valides qui sont déjà en souffrance dans les bassins du PRTQ/PSTQ.
Reprendre le contrôle
Le dégel concomitant du PSTQ, qui a remplacé le PRTQ en novembre 2024, va permettre au gouvernement de rediriger toutes les demandes de sélection permanente vers un programme dont il contrôle, totalement cette fois, les entrées et les sorties, selon des critères beaucoup plus restrictifs pour les personnes qui pouvaient jusqu’alors prétendre au PEQ.
L’immigration permanente se trouve ainsi doublement ébranlée :
- à travers une réforme de la voie régulière incarnée par le PSTQ, dont on ignore encore comment elle va fonctionner réellement, et
- dans les fondements de l’admissibilité à la permanence, dès lors que les valeurs du travail et de l’intégration à la société québécoise comme préalables au statut permanent perdent leur importance, en ce qu’elles ne présument en rien que la personne sera ou non invitée à présenter une demande de sélection permanente dans le PSTQ – et à quelle échéance.
Une pierre, deux coups
Le gouvernement pense sans doute avoir trouvé la solution idéale pour à la fois :
- Inciter les immigrants temporaires à quitter le Québec, dès lors que la prévisibilité de leur avenir au Québec est rompue ;
- Reprendre le contrôle de l’immigration économique permanente tant en matière de profils sélectionnés qu’en terme de nombre de personnes sélectionnées.
Ce dernier critère est d’importance, si l’on considère que le gouvernement souhaite aussi diminuer fortement l’immigration permanente.
Dans tous les cas, les consultations publiques et la Planification pluriannuelle de l’immigration pour les années 2026-2029 sont lancées — et elles partent sur des bases pour le moins instables du point de vue des personnes immigrantes déjà établies et intégrées au Québec.
Le Programme de parrainage collectif des personnes réfugiées à l’étranger demeure, pour sa part, gelé jusqu’au 31 décembre 2025.
Photo : Alexandros Giannakakis