
C’est à Sainte-Anne-de-la-Pérade, en Mauricie, que Sara Brouillette et son conjoint, Bryan Dupont, ont vu naître et grandir l’entreprise familiale, spécialisée dans la transformation de l’acier. Leur fils en reprendra un jour les rênes.
Pour préparer le terrain et espérer lui léguer une entreprise « saine et compétitive sur le marché », le président et la vice-présidente ont décidé d’investir dans une ligne automatique à commande numérique. Les résultats escomptés ? Une hausse de la productivité, entraînant la création d’emplois.
À mi-parcours, l’entreprise doit faire face à un imprévu. « Alors qu’on a besoin de main-d’œuvre parce qu’on est en pleine expansion, on se retrouve face à une limite concernant l’embauche de travailleurs étrangers », déplore Sara Brouillette. Depuis septembre 2024, la main-d’œuvre issue du volet bas salaire du PTET est limitée à 10 % des salariés et les permis de travail fermés sont réduits à un an.
Impasse
Avec ses 25 employés en bureau et en usine, Dupont Métal a le droit de faire appel à trois travailleurs étrangers temporaires (TET). « Je ne peux pas en engager d’autres, alors que tous mes travailleurs pourraient techniquement avoir des permis ouverts — sauf un, qui y aura droit dans deux mois », résume la vice-présidente.
Résultat : le dessinateur industriel approché au terme de longues démarches de recrutement, lui-même travailleur étranger, ne pourra sans doute pas intégrer le poste à pourvoir.
En parallèle, l’entreprise fait appel, depuis février 2025, aux services d’une firme de recrutement, assure Sara Brouillette, « mais il n’y a eu aucun candidat ». Faute de pouvoir embaucher plus de TET, elle craint de devoir réduire la production, alors que l’installation de la nouvelle ligne automatique promettait de la multiplier par trois.
Solutions alternatives
Faute de main-d’œuvre, Dupont Métal envisage également la sous-traitance. Une solution loin d’être idéale, admet la vice-présidente, et qui implique de « devoir s’adapter aux délais des sous-traitants », parfois incompatibles avec les besoins des clients.
Quant aux efforts de recrutement, la petite entreprise n’a pas le luxe de baisser les bras. Dans l’espoir de « se faire connaître et d’attirer » de futurs employés, elle s’implique par exemple dans les stages-études auprès de soudeurs, a augmenté sa présence sur les réseaux sociaux et sa participation au sein d’associations afin de « développer les liens d’affaires ».
« Sur le marché, il n’y a que des jeunes qui sortent d’école. […] Avant qu’ils soient autonomes, ça prend trois ans. Et actuellement, en tant que petite entreprise, on ne peut pas se le permettre »
Sara Brouillette
Coût humain
Dupont Métal a pour principe de ne pas « voler la main-d’œuvre » chez les concurrents, assure sa vice-présidente.
Le recrutement de TET permettait jusqu’alors de compléter ses équipes sans faire entorse aux valeurs de l’entreprise, et ce, même s’il implique des efforts financiers et humains considérables. Avec un permis de travail limité à un an et des démarches de renouvellement pouvant prendre plusieurs mois, le risque en vaut-il encore la chandelle ?
Bien que son entreprise ne soit pas touchée par toutes les mesures visant à resserrer l’immigration temporaire, Sara Brouillette s’interroge. Elle regrette de voir des employeurs contraints de devoir se séparer de bons éléments, à défaut de pouvoir renouveler leurs permis de travail. Surtout, elle se demande pourquoi plus d’efforts ne sont pas faits pour favoriser l’emploi et la régionalisation des demandeurs d’asile et des réfugiés, qui constituent un bassin de main-d’œuvre potentielle, déjà sur place.
« Un bon travailleur n’a pas de couleur, pas de religion. C’est l’humain, pas la nationalité qui compte », conclut-elle.
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