Le gel des deux principaux programmes provinciaux d’accès vers la résidence permanente (RP), en vigueur depuis le 31 octobre 2024, a pris au dépourvu les acteurs du milieu de l’immigration, les employeurs et, bien sûr, les personnes immigrantes elles-mêmes.
Annoncée au même moment que le Plan d’immigration du Québec de 2025 du gouvernement québécois, cette mise sur pause concerne le Programme régulier des travailleurs qualifiés (PRTQ, réformé depuis le 29 novembre 2024 en Programme de sélection des travailleurs qualifiés, ou PSTQ) et du volet Diplômés du Québec du Programme de l’expérience québécoise (PEQ).
Les demandes déposées avant le 31 octobre 2024 ne sont pas affectées par le gel, qui devrait s’étendre jusqu’au 30 juin 2025. Mais pour les autres, la situation soulève des questions et génère une certaine inquiétude.
Incertitudes
« On est dans une dynamique où ça fait des années qu’il y a des ouvertures et des fermetures » quant à l’accès à la RP pour les diplômés du PEQ, rappelle Adèle Garnier, professeure au département de géographie de l’Université Laval et membre de l’Équipe de recherche sur l’Immigration au Québec et ailleurs (ERIQA). Mais le gel de la voie régulière de l’immigration permanente, désormais incarnée par le PSTQ, « crée vraiment une incertitude », selon elle.
Premières concernées, les personnes immigrantes relevant de l’un ou l’autre de ces programmes et qui ne remplissent pas les conditions requises pour être admissibles au volet Travailleurs étrangers du PEQ, qui est la seule voie maintenue. Ces personnes, qu’elles n’aient pas le niveau suffisant en français ou qu’elles n’occupent un emploi suffisamment qualifié depuis assez longtemps, n’ont d’autre choix que d’attendre la fin du gel — sans savoir ce qu’il adviendra au-delà du 30 juin 2025.
Les employeurs eux aussi se retrouvent actuellement dans une incapacité à prévoir leur capacité à renouveler certains permis de travail, « particulièrement dans les secteurs où il y a une forte pénurie de main-d’œuvre et où les salaires sont considérés comme pas très élevés », soutient la chercheuse. Depuis septembre dernier, les demandes d’Évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT) pour les emplois à bas salaires dans les régions métropolitaines de recensements dont le taux de chômage est de 6 % et plus sont également gelées.
« Les travailleurs ne sont pas tous fongibles »
Adèle Garnier
Visibilité
Les conséquences du gel de l’immigration permanente, pour l’instant limité à six mois, pourraient-elles se faire sentir à plus long terme ?
À moins que les mesures soient prolongées, « pour le moment, on ne risque pas trop de s’éloigner des cibles [démographiques] moyennes de l’Institut de la statistique du Québec », estime Adèle Garnier. Elle s’interroge tout de même sur la possibilité de voir de plus en plus d’immigrants francophones quitter la province pour s’installer ailleurs au Canada, où les cibles en immigration francophone ont été augmentées malgré une baisse d’environ 20 % des cibles en immigration temporaire au fédéral.
De nombreux observateurs craignent par ailleurs que l’instabilité des politiques migratoires décourage tout simplement de potentiels candidats de tenter leur chance au Québec. D’autres soulignent aussi que le gel de l’immigration permanente irait à l’encontre de la volonté « d’intégration » et de francisation au sein de la société, mais aussi des entreprises.
Qui dit mesure temporaire, dit visibilité réduite. Il s’agit donc d’un dossier à suivre, dont les répercussions à long terme sont, pour l’instant, difficiles à saisir.
Photo : Ayush Kumar